Pourquoi je lis "Les fantômes du chapelier"de Georges Simenon
de Balval Ekel

critiqué par Débézed, le 25 mars 2020
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Au café des colonnes avec Simenon
9/ Pourquoi je lis Les fantômes du chapelier de Georges Simenon

Avant de lire cet opus, je ne connaissais ni cette collection ni son éditeur et ce fut une belle surprise. Juste une petite brochure qui tient très facilement dans n’importe quelle poche pour répondre à une question qui commence toujours par « Pourquoi je lis… », pourquoi je lis ce livre et l’auteur interpellé doit répondre sous la forme d’un court essai par lequel il explique pourquoi il apprécie l’auteur et particulièrement le livre qu’il a choisi. Ainsi Balval Ekel dévoile qu’elle aime beaucoup Georges Simenon et particulièrement Le fantôme du chapelier dont l’action se situe à La Rochelle, ville de la région qu’elle habite aujourd’hui.

Pour formuler sa réponse, elle met en scène un rendez-vous qu’elle aurait eu avec un journaliste de la presse quotidienne locale, la fameuse PQR, un rendez-vous que le journaliste en question a beaucoup de mal à honorer eu égard à son emploi du temps. En l’attendant dans « Le Café des colonnes », là où le chapelier et son voisin d’en face venaient régulièrement boire un verre mais pas ensemble, bien que commerçants, ils ne sont pas du même monde, l’un est un Rochelais pure souche, l’autre est un migrant, un Arménien. Elle décrit ce lieu plein de charme comme un concentré de la ville avec ses strates ou s’assemblent les gens de pouvoir et les autres, séparément. Les riches qui ont le pouvoir ne se commettent pas avec les pauvres. On ne trouble pas l’ordre établi.

Dans cet essai Balval aborde diverses questions soulevées par l’auteur dans son roman : l’approche du temps, le chapelier semble vouloir « vivre dans une sorte de présent éternel » qui « le rassure ainsi que les autres notables… » ; la place et le rôle des femmes que le chapelier assassine sans beaucoup de vergogne en souvenir de la mère qui le tyrannisait ; la xénophobie et l’antisémitisme qui semblent aller de source pour cette classe sociale nantie qui ne souhaite pas partager ses avoirs et son pouvoir. Ces thèmes se retrouvent peu ou prou dans les relations très équivoques qui relient le chapelier et le tailleur : bons voisins, ils ont des relations civiles, courtoises même, mais chacun épie l’autre, s’en méfie, ils ne sont pas du même monde… « Simenon dénonce la machine à exclure - … -, une société où chacun ne vaut que par son utilité… ».

A cette lecture, on sent bien que Balval Ekel apprécie beaucoup Georges Simenon et que ce roman la fait vibrer, elle connait trop bien la ville et les lieux où se déroule l’intrigue pour rester insensible à cette tragédie dont la ville est l’un des protagonistes. Elle n’hésite pas à s’élever contre les accusations formulées à l’encontre de l’auteur lorsqu’il fallu démêler le bon grain de l’ivraie après l’immonde guerre. Pour ma part, tout au long de cette lecture, j’ai vu Charles Aznavour, tout tremblant, accrocher ses volets sous le regard inquisiteur de son voisin.