M, le bord de l'abîme
de Bernard Minier

critiqué par Nathavh, le 15 mars 2020
( - 59 ans)


La note:  étoiles
Palpitant !
C'est la première fois que je lis la plume de Bernard Minier, quelle claque ! Je ne suis pas déçue, que du contraire.

Bienvenue dans le monde de l'intelligence artificielle, des nouvelles technologies. Direction Hong Kong chez Ming, le géant des smartphones chinois, une entreprise à la pointe du Big Data.

Moïra Chevalier est française, elle débarque à Hong Kong pour travailler chez eux, sur le projet de Deus. L'objectif est de créer un chatbot capable de dialoguer et d'anticiper les désirs de ses utilisateurs. Un peu comme "Google home" ou "Siri" me direz-vous ? Non, le projet ici est bien plus ambitieux, on veut créer une empathie avec l'utilisateur, apporter des émotions au logiciel, donner à Deus une sensibilité pour qu'il devienne l'outil incontournable, indispensable pour chaque utilisateur, qu'il devienne le plus humain de tous les assistants virtuels. Sacré challenge !

C'est bien un thriller contemporain que nous propose Bernard Minier, pas question de science fiction ou d'anticipation, non, toutes les technologies dont il nous parle existent ou sont développées aujourd'hui.

C'est passionnant, inquiétant, sujet à de multiples réflexions.

Hong Kong est un personnage à part entière du roman, la ville est magnifiquement décrite.

A cela viennent s'ajouter des meurtres abominables, un tueur en série sévirait en ville avec une particularité, chaque victime a un lien avec Ming. D'entrée de jeu Moïra est suivie et observée par des flics, un climat de peur et de terreur est palpable. L'enquête peu à peu se met en place en infiltrant le milieu des triades aussi.

Je ne vous en dirai pas plus, c'est un pavé de 570 pages que j'ai pris le temps de lire, il est super bien documenté, utilise un vocabulaire pointu et exige des temps de réflexion sur des thèmes comme la nature humaine bien entendu mais aussi les évolutions et progrès technologiques, le bien fondé de leur utilisation, la manipulation, les travers de l'homme.

Une lecture passionnante, addictive qui ne vous laissera pas indifférent. J'ai beaucoup aimé.

Ma note : 9/10

Les jolies phrases

En aidant Deus à devenir plus humain, plus empathique, l'objectif était clair : le rendre indispensable, incontournable dans la vie de ses utilisateurs. Comme une drogue...

L'enfance, on n'en guérit jamais.

...c'était un endroit où chacun était sous le regard des autres. A l'image du monde lui-même désormais. Car c'était ça, le monde connecté, non ?

Ce que vous voyez là est mon jardin de bonzaïs sur la péninsule de Sai Kung, dit-il. (...) Certains ont plus de cent ans. Mais ce qui est intéressant là-dedans, c'est qu'historiquement les premières personnes à pratiquer l'art du bonzaï essayaient de reproduire les formes prises par les arbres sous l'action des éléments : elles reproduisaient en somme un aspect du monde naturel par des procédés artificiels. N'est-ce pas ce que nous essayons de faire ?

La vie ne peut-elle pas se résumer à la somme de ses désirs et aux stratégies que nous déployons pour les satisfaire - ou au contraire pour les faire taire ?

Selon un physicien de Harvard, deux requêtes effectuées sur Internet équivalaient à la dépense énergétique d'une bouilloire. au total, les 1 200 milliards de requêtes annuelles sur Google dégageaient chaque année 8 400 tonnes de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Une quantité qui serait sans doute multipliée dans les années à venir.

Les chinois, qu'ils soient de Hong Kong ou d'ailleurs, ont cette qualité précieuse : ils regardent devant eux, jamais derrière.

Dans la culture occidentale, vous parlez tout le temps de liberté. Seulement, pour beaucoup d'entre vous, cette liberté n'est pas la liberté de choisir parmi les multiples possibilités qu'offre l'existence, mais la simple soumission à des passions et des pulsions. Être une personne qui n'agit pas dans le seul but égoïste de satisfaire ses intérêts mais, au contraire, qui est capable de les oublier pour servir la communauté, voilà l'idéal chinois.

Les optimistes pensent que le monde qui vient sera un monde meilleur grâce à la technologie. Un monde sans guerres, sans meurtres, sans viols, sans faim, sans pauvreté, sans exploitation, sans injustices. Un monde où ce ne seront plus les humains, leurs cerveaux reptiliens, leurs instincts animaux, leurs ego infantiles, qui prendront les décisions, mais des applications et des inventions plus sages qu'eux. Mais ce qui s'exprime de plus en plus sur Internet au fil des ans, c'est de la jalousie, la colère, l'étroitesse d'esprit, la violence, le chaos et le sectarisme. Autour de quelques îlots de réflexion et de sagesse, un océan de haine et d'intolérance. Cette maudite invention détruit un par un tous les fondements de nos civilisations. Le ciment de nos sociétés. C'est pourquoi, nous autres les Chinois, à la différence de vous, nous avons remis le couvercle sur la boîte de Pandore du Web et limité la liberté de nos internautes. Mais vous, Occidentaux, avec votre folie de l'égalitarisme et de la libération de la parole, vous serez balayé, emporté par cette vague de liberté qui ne débouchera que sur le chaos...

La justice n'est qu'un simulacre. S'il y a des lieux dans ce monde d'où l'équité et l'honnêteté sont absentes, c'est bien les tribunaux...
Intelligent et divertissant 8 étoiles

Moira Chevalier, informaticienne chevronnée, débarque à l’aéroport de Hong-Kong. Elle vient d’être recrutée par la très importante société Ming, spécialisée dans les technologies informatiques de pointe dont l’intelligence artificielle. C’est également le deuxième fabricant de smartphones au monde derrière Samsung et devant Apple. Peu après, elle est accueillie en visioconférence par son patron qui lui donne pour mission de superviser « l’affective computing » de DEUS, le nouveau chatbot bien plus avancé que tous ceux de ses principaux concurrents Apple, Google, Amazon et Facebook. Il s’agit pour Moira de faire de DEUS le plus humain de tous les assistants virtuels. Mais, le soir-même, au fumoir de son hôtel cinq étoiles, elle est interrogée par trois flics de l’ICAC, la commission indépendante contre la corruption. De son côté, l’inspecteur Chan enquête sur le suicide louche d’une jeune femme travaillant pour Ming. Équipée d’un dispositif anti stress implanté dans le cerveau, elle s’est néanmoins jetée dans le vide depuis le toit d’un building. D’autres employées du consortium ont également été retrouvées assassinées. Que se passe-t-il vraiment chez Ming ?
« M, le bord de l’abime » est un thriller technologique dans lequel le lecteur s’aperçoit que la réalité actuelle des nouvelles technologies rejoint déjà la science-fiction et commence même à la dépasser. Même si l’intrigue a son lot de meurtres, crimes, tortures, sadisme et hémoglobine en tous genres, ce n’est pas du tout l’essentiel du propos. Bernard Minier nous entraine dans les arcanes d’une entreprise de la Big Tech qui pourrait être Google ou Microsoft. Il nous fait partager l’hybris pour ne pas dire la folie qui s’empare de dirigeants psychopathes quand ils s’imaginent faire l’œuvre de Dieu, n’avoir plus aucune limite autant dans leur pouvoir sur l’humanité que dans la capacité à l’asservir à tout jamais par le contrôle des nouvelles technologies, de l’internet des objets et de l’intelligence artificielle. La ville de Hong-Kong, cette mégapole dantesque, aussi étonnante qu’inquiétante et aussi avancée que dangereuse, est un personnage à part entière. Et le lecteur sent bien que l’auteur domine parfaitement ces deux sujets. Une importante et fort intéressante bibliographie en atteste en fin d'ouvrage. Nous serons un peu plus réservés sur l’histoire elle-même. Pas très originale, elle s’achève sur un rebondissement un brin capillotracté pour ne pas dire un peu trop invraisemblable. Mais tout cela est secondaire. L’essentiel est que nous ayons affaire à un thriller « intelligent », « éducatif » et un brin divertissant. Que demander de plus ?

CC.RIDER - - 65 ans - 30 novembre 2022


Le bord de la rive 7 étoiles

Alors oui la ville est bien décrite et oui les questions posées en arrière-trame donnent à réfléchir mais « deus » que les ficelles sont grosses. Le tueur est sans doute le moins crédible des protagonistes et l’héroïne n’est pas franchement convaincante. Un livre d’été que les 620 pages vont bien remplir même si l’auteur aurait pu en économiser une centaine.

Seb - - 46 ans - 22 août 2022


Une immersion réussie dans un futur déjà présent 9 étoiles

Une vraie réussite pour cette immersion dans le monde de ces technologies qui se sont déjà introduites chez nous mais dont nous n'avons pas toujours conscience de la présence.
L'auteur sait nous donner quelques informations techniques de base, nécessaire pour nous plonger au coeur de cet univers mais ne nous inonde pas. il plante un décor, il ne fait pas un exposé mais il est évident que tout cela ne relève pas de l'imaginaire de l'auteur mais bien d'une solide documentation.

Pour la trame policière, tout y est : des morts suspectes sur lesquelles enquêtent deux policiers.
Un milieu au fonctionnement peu clair pour l'héroïne qui vient d'y être embauchée. Des doutes, des interrogations, des fausses pistes, des pièges, des mises en danger. Le risque est de plus en plus présent mais l'héroïne ignore quelle forme il va prendre et d'où il viendra.

On peut tout au plus être un peu réticent sur certaines explications lors du dénouement mais il ne faut jamais oublier que nous sommes dans un roman et que l'auteur est maître de sa trame. Si l'on veut de la pure vraisemblance, il vaut s'abstenir de lire des romans et se plonger dans les faits divers.
Cette explication contribue toutefois à expliquer certains passage un peu surprenants dans l'évolution de la place de Moïra au sein de l'entreprise

La construction du récit est également appréciable, chaque chapitre nous met en relation avec l'un des personnages ou dans un lieu, permettant au lecteur de suivre en parallèle ce qui se passe en divers endroits et comment les protagonistes évoluent. Dans ce roman assez long, il serait difficile (pas impossible) de supprimer des passages.

Un polar qui m'a apporté tout ce que j'attends de ce type de lecture : une plongée dans un univers précis, de préférence que je ne connais pas, un suspense sur l'issue, des personnages aux personnalités bien marquées. Le ressenti du personnage principal, Moïra, comme aspirée dans une société dont on ne lui expose pas clairement le fonctionnement, est particulièrement bien narré.

En plus de l'intrigue, ce roman entrouvre une porte sur ce monde de l'intelligence artificielle ainsi qu'une sur la culture chinoise.

Pour moi, sans aucune restriction : une réussite

Mimi62 - Plaisance-du-Touch (31) - 71 ans - 12 juin 2022


Raté 3 étoiles

Que de chapitres inutiles et de remplissage ennuyeux dans ce roman où les multiples références technologiques et autres langages techniques finissent par nous lasser et donc nous perdre.

Il faut attendre longtemps, voire très longtemps avant qu'il ne se passe un semblant de quelque chose.

L'enquête sur le tueur reste longtemps secondaire, lointaine, tandis que le travail sur DEUS, l'entité d'intelligence artificielle, occupe la place centrale de l'œuvre, finissant enfin dans le dernier quart par partager de manière plus adaptée sa place au sein de l'histoire.

J'ai eu l'impression de lire une succession d'avertissements de la part de l'auteur quant à un avenir proche dominé par la technologie, où l'humanité serait entièrement dirigée et surtout contrôlée par celle-ci. À cela, on peut conclure que c'est réussi tant les situations et les propos redondants et inquiétants sont incessants.

Je ne nie pas l'importance du sujet mais de là à nous le répéter jusqu'à saturation, il y a une marge.

Les personnages ne m'ont guère convaincu non plus, l'héroïne n'étant pas particulièrement attachante.

Je rejoins les avis positifs d'autres internautes, lus ici et là, quant aux descriptions de cette ville tentaculaire qu'est Hong-Kong, son ambiance inquiétante, sa densité astronomique, sa violence permanente liée à la pauvreté de 80 % de sa population. Pas franchement rassurant...

Le final est lui aussi réussi mais ne suffit pas à sauver du naufrage la majeure partie de l'œuvre.

Ayor - - 51 ans - 19 décembre 2020


Réaliste et effrayant 8 étoiles

Ça commence rondement dans ce milieu particulier avec la jeune femme qui se jette en bas d’un gratte-ciel où les autres autour d’elle faisaient la fête. Moïra, elle aussi une informaticienne du top niveau mondial, obtiendra son poste et deviendra vite la préférée du grand maître ; Monsieur Ming, le multimilliardaire chinois qui, en plus de détenir la quasi-totalité de toute l’industrie liée à l’IA, rêve d’améliorer son chatbot déjà incroyablement «intelligent» capable de dialoguer et de proposer toutes sortes de solutions à son utilisateur, son nom Deus, il doit dans les prochaines semaines absorber les données que Moïra propose pour le rendre sensible et emphatique, pour le rendre pratiquement humain.

Ce roman se déroule à Hong-Kong et la ville est décrite avec force détails du sublime au sordide. On embarque dans l’enquête du détective Chan qui tente de communiquer discrètement avec Moïra pour découvrir le monstre cruel qui inflige des sévices graves à ses victimes de plus en plus nombreuses et qui ont toutes un lien même indirect avec la firme Ming corporation.

Les derniers chapitres se dérouleront durant un typhon d’une force destructrice jusqu’ici inconnue. Action et stress au rendez-vous, je n’avais jamais lu Minier avant ce roman, il est très bon. Dans la catégorie haute qualité d’un Grangé. Bonne lecture...

Martell - - 60 ans - 29 novembre 2020


Science non fiction 9 étoiles

La Chine est en avance technologique sur tout le monde. Elle est toute puissante. L'intelligence artificielle est en route et même en place.
Quand vous lirez ce livre vous penserez lire un livre de science fiction. Ben….non car tout est vrai et ça fait froid dans le dos.
L'histoire : Moira, une jeune française, est engagée chez Ming, le géant chinois du numérique, pour rendre une intelligence artificielle plus humaine.
Elle va vite déchanter, assassinats violents, le pouvoir à tout prix, tous les vices, le côté noir de notre société en perdition sont au rendez vous.
Bernard Minier lance un avertissement notre civilisation fonce droit dans un mur et on n'en est plus très loin.

Darkvador - Falck - 56 ans - 3 juin 2020