Versus
de Luca Tahtieazym

critiqué par Krysaline, le 31 janvier 2020
(Paris - 58 ans)


La note:  étoiles
Quand le psychopathe devient fou!
Arhggg…. Je viens de découvrir qu’il s’agissait d’un triptyque, zut de chez zut !!... J’aurais dû commencer par « l’ombre » puis « le roman inachevé ». Est-ce grave docteur ?? Apparemment non, puisque je n’ai pas été gênée plus que ça dans ma lecture et qu’il s’agit de romans différents avec un fil rouge…. Je pourrai donc le récupérer dans le désordre… pas de stress.

Ici, le récit se fait à la première personne du singulier et cette personne est l'assassin en personne ! Original… oui, mais j’ai déjà lu un autre thriller similaire, où nous étions dans la tête du psychopathe directement. Donc, quoi de plus ?

C’est la façon d’aborder les choses qui fait la différence:

D’une part dans une première partie nous voyons comment le personnage principal se perçoit lui-même, comment il opère et pourquoi. Dans une deuxième partie, le chasseur se retrouve à traquer un imitateur et donc à mener l’enquête.

En nous prenant à témoin de son "œuvre"[car Monsieur est "Artiste"!], le meurtrier tisse sa toile autour du lecteur, le charme et cherche à le subjuguer. Il le « baratine », n’oublions pas que c’est un VRP... c’est moi le plus beau, le meilleur, le plus malin, l’incompris etc… il s’écoute parler surtout et ne tarit pas d’éloges à son égard… on peut voir son égo surdimensionné s'étaler sur toutes les pages. Il tue avec « style », avec panache...

Il se délecte d'embrouiller la police (qui n'est pas très fine sur ce coup, il faut bien le dire). Il explique qu'il est « magnanime », il ne torture pas pour le plaisir, la mise à mort est rapide. C’est juste une étape obligatoire à l’expression de son art. Le but n’est pas le meurtre en lui-même mais le « support »…. Sauf que le support est … humain !

On remarquera que le personnage fait de constantes références à la tragédie et la mythologie grecque. Lui, c’est Achille, il est accompagné de son ami intime, son fidèle Patrocle, il a sa douce Briséis, origine de sa célèbre fureur immortalisée dans l’Iliade. Le copycat sera Hector (le meilleur des Troyens qu’affrontera Achille)… Et, tout le monde sait, qu’Achille a son « talon » (puisqu’il a choisi une vie courte, mais glorieuse)… sa faiblesse. Quelle sera la sienne ?

Je referme ici la parenthèse mythologique non sans souligner qu’Achille est généralement décrit comme « beau, valeureux, champion d'une morale orgueilleuse de l'honneur, il incarne « l'idéal moral du parfait chevalier homérique ». C’est un héros (source Wiki)…

On constate, que c’est exactement la façon dont se voit et se décrit notre « Achille », intelligent, brillant etc…

Dans la deuxième partie, l’image se fissure, se craquèle, « superman » deviendrait-il un plouc, un lâche ? Assailli de doutes, plus sûr du tout de lui-même, il entame une sévère remise en question et va accumuler les erreurs à répétitions.

Effectivement, on s’aperçoit que lorsqu’il ne planifie plus, qu’il ne prévoit plus tout à l’avance, il devient brouillon, il se perd, s’égare, se trompe, il perd le contrôle et n’est pas capable d’improvisation. Il en est presque attendrissant puisqu’il devient un tant soit peu « humain », quelconque, banal en somme, si ce n’est qu’il sème la mort derrière lui comme le Petit Poucet des cailloux… l’impulsivité annihile totalement son raisonnement. On voit la cata arriver !

Pour la fin, personnellement, prise par les descriptions des états d’âme d’Achille je ne l’ai pas cherché et donc pas vu venir… une surprise donc et pour le « super twist » final, ben par contre bof… ça laisse une fin ouverte (une suite peut-être ?)

En tous cas le style m’a séduite. J’ai relevé l’emploi de mots peu usité (heureusement que ma liseuse a un dictionnaire intégré !!), la référence à la mythologie m’a bien plu aussi. Je trouve le tout assez réussi et je vais continuer ma découverte de l’auteur avec ses autres publications. Il a « gagné » une addict !

Une mention spéciale pour la très esthétique première de couverture (la noire avec Pratocle) par contre j’en ai trouvé une autre aussi dans les tons rouges, moins ambiguë et moins parlante… je préfère celle de la réédition.

Merci enfin, aux éditions Amazon Publishing pour cette réédition ainsi que la plateforme NetGalley pour leur confiance.