Œuvres
de Georges Duby

critiqué par Veneziano, le 18 janvier 2020
(Paris - 46 ans)


La note:  étoiles
Les études d'un grand médiéviste
Cet éminent spécialiste du Moyen Age, professeur au collège de France et membre de l'Académie française, se montre aussi rigoureux que pédagogue et passionné, utilisant un ton didactique et grandiloquent, parfois déclamatoire. Ses études viennent de sortir à la Pléiade. Elles s'avèrent richement documentées, mises à la portée du grand public, chacun étant fortement documentée par un esprit très analytique. Je vous présente celles présentes dans ce volume.


Des sociétés médiévales, critiqué le 12 janvier 2020 ****
Georges Duby fut un universitaire réputé, son renom l'ayant conduit à enseigner pendant vingt ans au collège de France. Dans sa leçon inaugurale, il relate en quoi il souhaite faire évoluer la méthode de ce qu'il professe. Les luttes d'influence entre seigneurs et entre chevalerie et Eglise restent importantes au sein de l'époque médiévale, son objet principal d'étude, mais l'historien doit se pencher sur les sociétés, soit les compositions des populations d'un territoire. Des liens de dépendance multiples l'émaillent, avec des obligations réciproques, les modes de communication devant être adaptées aux fins désirées et aux capacités de compréhension de chacun et chacun. Cette démarche évoque une volonté d'exhaustivité, afin de comprendre l'ensemble des tenants et aboutissants d'une époque et de son étude.
Ce texte court fixe donc une méthode, souhaite rendre leur vivacité et leur dynamique à ces sociétés, à leur temps. Il s'avère utile pour comprendre les démarches de recherche et de restitution. Il est donc intéressant et fait réfléchir.


Le Dimanche de Bouvines, critiqué le 5 janvier 2020 ****
Georges Duby, historien de renom et médiéviste pédagogue, rend accessible un événement important de sa période de prédilection, qui a fait date à plusieurs titres. D'une part, cette bataille est tenue un dimanche, jour théoriquement consacré à Dieu, donc en principe privé de sexe et d'arme. D'autre part, elle assure une conquête territoriale à Philippe-Auguste, Roi de France, face à ses ennemis, Otton, du Saint-Empire romain germanique, et Jean sans terre, Roi d'Angleterre. Elle s'avère d'autant plus remarquable que le terrain des hostilités est marécageux et plutôt hostile, topographiquement, outre la proximité géographique des adversaires. La technique, en sus de la ruse, a été préparée.
Le récit est illustré par le plus long et riche témoignage livré, celui de Guillaume le Breton, décrit, commenté et analysé de manière vivante, expliquant les tenants et aboutissants de cette guerre-éclair décisive. La moralité, la considération de l'événement et son évolution dans le temps, sont rapportés de manière dynamique et enjouée, si bien que ce livre haletant donne envie de le poursuivre, malgré l'aspect a priori austère du sujet, en réalité bouillonnant.
Il présente ainsi beaucoup d'intérêts.


Le Temps des cathédrales, critiqué le 12 janvier 2020 ****
Les XII et XIIIe siècles sont marqués par le caractère féodal-vassilique des sociétés occidentales, leur appartenance profonde à la ruralité et à la domination de pouvoir de l'Eglise sur les monarchies et principautés, souvent engagées dans des conflits territoriaux, justement pour asseoir leur influence et revoir à la hausse les conditions des liens qui les lient entre eux.
La ruralité explique l'analphabétisme et le besoin de communiquer par l'image, ce que permet le vitrail et le statuaire. Les querelles féodal-vassaliques renforcent le poids de l'Eglise, seul pouvoir permanent qui arrive à surpasser celui des monarchies et Etats en cours de construction. Seul le Saint-Empire romain germanique concurrence son rayonnement. Les deux s'interrogent sur l'intérêt de l'apport des humanités issues de l'antiquité et de la romanité. Et c'est alors que bien naturellement les cathédrales, les églises des Evèques, deviennent une Bible à livre ouvert destinée aux masses pour qui la messe en latin reste inintelligible.
Avec l'exemple notable de Giotto, il est montré comment l'Eglise devient le principal commanditaire artistique, les illustrations des lieux de culte devenant une activité en plein essor, jusqu'à ce que les guerres saintes, soit les croisades, ne freinent cette expansion pédagogico-culturelle, pour des raisons de financements et de vases communicants. L'Eglise justifie par ce biais une forme de violence, par l'unique forme valable de guerre, et justifie une codification du comportement de la chevalerie, soit le caractère belliqueux, devant s'éloigner de la galanterie, malgré des tendances en la matière. Autoritaire, notamment sous le puissant pape Innocent III, l'Eglise doit également combattre la montée des sectes et hérésies.
Ce livre, à la fois pédagogique et bien écrit, un tantinet déclamatoire en sa forme, passe pour une référence au sein des études en la matière, un passage incontournable, l'auteur représentant l'un des plus grands médiévistes connus, ayant enseigné longtemps à l'université d'Aix-en-Provence puis au collège de France. Son statut ne l'empêche pas de se soucier de clarté et de complétude. Alors que l'époque passe pour austère, rude et livrée au spirituel comme par manie, ce qu'il évoque lui-même, il la rend vivante, en restituant ses dynamiques et enjeux, par un style enjoué, voire parfois grandiloquent.


Les trois ordres ou l’imaginaire du féodalisme, critiqué le 13 janvier 2020 ; 3,5/5
Les archevêques Adalbéron de Reims Gérard de Cambrai ont théorisé la division de la société en trois ordres, les trois fameux de l'Ancien régime et des Etats généraux. Chacun est affecté à une fonction particulière, ceux qui prient, soit les membres du Clergé, ceux qui combattent, soit les Nobles, ceux qui travaillent, soit le peuple, représentant le "Tiers-Etat". Ces missions spécifiques justifient une inégalité, organisée par un accord de protection contre le travail et la domination. Il en va de l'organisation voulue par Dieu.
Cet ouvrage dense, faisant suite aux études de Georges Dumézil et Jacques Le Goff, analyse l'application dans le temps de cette doctrine, longtemps acceptée puis acclimatée aux besoins du moment, soit l'acceptation de certains plaisirs, combattus par l'Eglise, et la lutte contre les sectes hérétiques. Ce livre pédagogique mais exigeant par son aspect théorique en apprend beaucoup, avec quelques longueurs et répétitions, afin de s'assurer de l'intégration des notions présentées. Il s'avère un peu plus austère que ceux de cet éminent auteur, médiéviste de renom.


Guillaume le Maréchal, critiqué le 16 janvier 2020 ****
Un temps régent, à un âge avancé, disparu à un âge très avancé pour l'époque, Guillaume le Maréchal a marqué l'histoire pour avoir été le plus grand chevalier de tous les temps. Il doit cette réputation à deux aspects de sa carrière, sa victoire à un nombre impressionnant de tournois et son service à plusieurs Rois d'Angleterre, avec une fidélité et une loyauté sans faille. Conseiller, il a été aussi entraineur et commandant militaire. .Aussi est-il devenu une personnalité incontournable.
Cette biographie fournie évoque ce qui est su de lui, tout comme la méthode historiographique qui permet de connaître la manière dont est menée l'investigation et celle de vérifier la fiabilité des documents, de surcroît à une époque où ils restent inévitablement épars, d'où la question de leur interprétation.
Cet ouvrage en apprend beaucoup au fond et dans la forme également. Il se montre exigeant et rigoriste. La forme reste enjouée, la langue châtiée et le ton parfois presque déclamatoire.


Les Dames du XIIe siècle, critiqué le 18 janvier 2020 ****
Ce livre fait le tour de son sujet par des chapitres thématiques épars. Il commence par de courtes biographies de femmes célèbres, ayant vécu à cette époque, Aliénor, Héloïse, ou ayant connu un regain d'estime, comme Marie-Madeleine. Les suivants traitent du statut d'infériorité de ce sexe, dans leur fonction de prière, de dévotion au mort, dans la raison de leur chute, liée à la conception du couple originel, avec Adam et Eve, d'où il s'ensuit que la femme tentée et tentatrice doit être recluse. Elle l'est au foyer ou au monastère, alors qu'elles aspirent à un bonheur auquel elles n'ont pas droit : elles deviennent l'objet de stratégies matrimoniales et craignent pour leur salut, du fait de leur relégation également à l'Eglise. La novation de l'amour courtois, de la dévotion dont elles commencent à faire l'objet représente une petite révolution, tout comme une contradiction sociale, alors qu'elles continuent de faire l'objet de quolibets et grivoiseries de rabaissement.
On ne sait trop quel ordre va suivre cet ouvrage exigeant mais pédagogique et toujours clair, or il traite des thèmes d'une variété assez complète pour se faire une idée précise du sujet, même s'il relève bien davantage d'un esprit d'analyse que de la synthèse. Il est intéressant et enrichissant.