La mémoire et le temps (Confessions, livres X et XI en intégralité)
de Augustin

critiqué par Saule, le 15 juillet 2004
(Bruxelles - 58 ans)


La note:  étoiles
Le feu de Saint Augustin
Ce petit livre publié dans la collection Mille et une Nuit est le texte intégral des livres 10 et 11 des confessions de Saint Augustin. Une aubaine pour ceux qui veulent découvrir Saint Augustin mais qui préfèrent commencer à petite dose.

Platonov a déjà critiqué de manière superbe les livres 1 à 8 ( http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/?l=2309 ). Je me permet de mettre en exergue une phrase qui m'avait beaucoup plue à l'époque. A propos de la conversion de Saint Augustin, Platonov dit : "Ses réflexions le conduisent à une solution de principe par laquelle il accepte en bloc la vérité divinement révélée telle que la présente les Ecritures de l'Eglise catholique."

Le livre 10 traite de la mémoire, le 11 du temps. Je m'en voudrais de dénaturer sa pensée en résumant des considérations philosophiques et théologiques d'une profondeur rare (mais disons-le parfois difficile pour l'amateur même éclairé). En outre le texte est déjà fort condensé. Disons simplement que les réflexions de Saint Augustin l'amène à dire que cette notion de temps qui nous parait familière nous échappe complètement quand on s'y attache de plus près : car en effet qu'est-ce que le temps ? Le passé n'existe plus, le futur n'est pas encore et le présent ne l'est que dans la mesure ou il est avalé pour devenir passé. Pourtant grâce à sa mémoire, l'homme a le privilège de saisir intuitivement cette notion de temps. Grandeur et petitesse de l'homme face à Dieu qui est le créateur et le maître du temps.

Je reprends les restrictions soulevées par Platonov quant au style parfois un peu ampoulé, voire abscons et alourdit par un excès de louange. De plus on sourit parfois devant une attitude un peu mortifère : ainsi Saint Augustin se demande-t-il si écouter les psaumes chantés n'est pas un péché puisque la musique risque de détourner notre attention de la parole divine (ouf, la réponse est non). Le texte est transpercé de fulgurances. Ainsi je retiens l'image que Saint Augustin utilise pour évoquer les écritures :"forêts sacrées, n'ont-elles pas aussi leurs cerfs qui se retirent, s'abritent, courent, se reposent, paissent et ruminent sous leur ombre ?" Et je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager une envolée lyrique profondément belle, vivifiante et enflammée. D'où le titre de ma critique.

"J'ai tardé à t'aimer, Beauté si ancienne et si neuve, j'ai tardé à t'aimer ! Ah voilà : tu étais dedans, moi dehors, et je te cherchais dehors où je me ruais, beau à rebours, sur les belles choses d'ici-bas, tes ouvrages. Tu étais avec moi sans que je fusse avec toi, tenu loin de toi par elles, qui, à moins que d'être en toi, ne seraient pas. Tu as appelé, crié, et tu as rompu ma surdité. Tu as brillé par éclairs et par vives lueurs et tu as balayé ma cécité. Tu as exhalé ta bonne odeur, je l'ai respirée et je m'essouffle après toi. Je t'ai goûté : j'ai faim et soif. Tu m'as touché : j'ai pris feu pour la paix que tu donnes.
Une fois soudé à toi de tout mon être, il n'y aura plus pour moi douleur et labeur et ma vie sera, toute pleine de toi, la vie.
Quand quelqu'un est plein de toi, tu l'enlèves. Plein de toi, je ne le suis pas ; aussi mon être me pèse. Entre mes joies (j'ai à les pleurer !) et mes peines, dont il faudrait me réjouir, il y a conflit, sans que je sache de quel côté penche la victoire."