Vertige !
de Philippe Remy-Wilkin

critiqué par Débézed, le 9 janvier 2020
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Quand tout s'emmêle !
Maelström a eu la belle idée de confier à des écrivains le soin de raconter Bruxelles autrement dans une collection intitulée : « Bruxelles se conte ». Philippe Remy-Wilkin a eu pour mission de rédiger l’opus 81 qu’il a intitulé « Vertige ! ». il a choisi de raconter le musée d’art africain de Tervueren dans la banlieue de la capitale. Un jour son héros a reçu une invitation mystérieuse pour visiter ce musée après sa réouverture faisant suite à une longue fermeture pour « décolonisation ». Avant sa transformation ce musée montrait l’Afrique de « L’enfant noir » de Camara Laye, le « bon noir » bien éduqué par des colons attentionnés et soucieux du développement des populations indigènes. Ceux que Ferdinand Oyono, avec aigreur et acidité, présente comme des « nègres » candides exploités les colons dans son livre « Le vieux nègre et la médaille ». Une vision de l’Afrique qui n’était plus supportable.

Et pourtant au cours de cette visite commentées des voix dissonantes s’élèvent du groupe de visiteurs, certains ne cessent de répéter que si les colons étaient encore en Afrique ce continent ne serait pas à la dérive comme il l’est actuellement, d’autres disent exactement le contraire et pensent que cette dérive n’est que le fruit des abus coloniaux. Ces deux visions de l’Afrique ne seront jamais conciliables, pas plus que la fusion des deux principales communauté belges dans un peuple uni et soudé. Le visiteur invité conçu en Afrique mais né in extrémis en Belgique, écoute ces remarques divergentes sans prendre parti, il pense à sa mère morte récemment avec laquelle il ne se comprenait pas très bien, à sa famille écartelée ayant vécu entre Belgique et Congo (celui de la République d’aujourd’hui).

Il essaie de rassembler les pièces du puzzle de son existence en écoutant un vieux monsieur qui l’invite à boire un verre après la visite. Il lui raconte sa vie et son désespoir, il se plaint de n’avoir pas tout su ce qu’il aurait dû savoir et, par contre, d’avoir su des choses qu’il n’aurait peut-être pas dû savoir. Le vieux monsieur le réconforte en évoquant certains événements qu’étrangement il semble connaître. Au comble de la confusion, le visiteur perturbé croise le guide du musée qui en deux mots éclaire brusquement son passé ténébreux mais aussi son avenir guère plus lumineux.

Quelques pages pour évoquer la colonisation, l’avenir de l’Afrique, la Belgique face à son histoire et ses querelles, une saga familiale tout aussi complexe que les rapports entre la métropole et la colonie du Roi, …, une nouvelle qui se termine par une chute vertigineuse. Un exercice de virtuosité littéraire excellemment exécuté par l’auteur, en gymnastique on dirait qu’il a réalisé un « pile chute » méritant la meilleure note.
Quand tout s'éclaire 9 étoiles

Découverte de la Collection "Bruxelles se conte", et enchantement dès ce premier Opus où l'on accompagne un auteur au Musée d'Art Africain de Tervueren, invité par hasard à une visite particulière.
Au-delà de l'histoire du Congo et des tensions avec le "colonisateur", ce sont l'esprit torturé et le bouleversement subi par cet auteur qui m'ont transportée. Qui ne s'est jamais posé de questions sur ses origines ? Qui n'a pas d'ignorance, de secret de famille, de choses inavouées dans son cercle familial ?
Ces interrogations assaillent notre visiteur, attentif pourtant, et réactif aux commentaires du guide. Mais en filigrane plane un mystère, pèse un poids indéfinissable qui jette une part d'ombre sur cette visite étrange. Pourquoi lui ? Pourquoi ses pas l'ont-ils mené ici ?

On se perd avec lui dans cette introspection, sensibles pourtant face à l'Histoire et ses remous, sa cruauté et la tristesse d'une époque, mais notre protagoniste semble aux aguets et attend quelque chose...

Un ouvrage délicat, qui nous conte la Belgique, Bruxelles, l'Afrique, la colonisation, l'indépendance, un voyage dans le temps et une sensation de vertige pour notre homme qui se trouve ici par le plus pur des hasards... Ou pas...

Nathafi - SAINT-SOUPLET - 57 ans - 8 juillet 2020