Tania ou le premier amour
de Rouvim Fraerman

critiqué par Fanou03, le 6 janvier 2020
(* - 48 ans)


La note:  étoiles
Superbe récit sur la fin de l'enfance
Tania vit avec sa mère dans une petite bourgade de Sibérie. Sa vie est rythmée par la succession des saisons et ses escapades dans la forêt avec son ami Filka. Mais bientôt sa vie ne sera plus jamais la même: son père, qu'elle n'a pour ainsi dire jamais connu depuis qu'il s'est séparé de sa mère, leur annonce que sa mutation a été accepté dans leur ville. Il veut revoir sa fille, mais revient avec sa nouvelle compagne et un fils adoptif de l'âge de Tania. C'est peu dire que les sentiments de Tania sont mitigés...

Tania ou le premier amour c’est la fraîcheur de l’adolescence et ses tourments, dans un cadre quelque peu inhabituel, à la fois exotique et désuet: cela constitue il faut le dire une grande partie du charme du roman. Le récit se déroule en effet dans une petite ville aux confins de la Sibérie, en pleine époque soviétique. La Nature (et ses manifestations) y est magnifiquement décrite, de façon délicate et sensible, reflétant sans doute ainsi les émotions de la jeune Tania. Il faut noter que les éléments « soviétiques », bien que très présents (le camp des pionniers, les rituels de l’école...), sont suffisamment discrets pour qu’ils ne viennent pas polluer par une éventuelle propagande la beauté très épurée du livre. Rouvim Fraerman met bien plutôt l’accent, avec une grande poésie, sur le décor naturel de la Sibérie, sur ses vibrations, faisant l’éloge, à travers le portait de Filka, un ami de Tania, issu de la tribu des Nanaï, apparentés aux Yakoutes, des peuples « premiers ».

L’auteur nous fait aussi parfaitement ressentir la confusion de Tania, sur deux aspects : les sentiments ambigus qu’elle porte à son père lorsque celui-ci ressurgit dans sa vie, des années après avoir l’avoir quitté, elle et sa mère ; et les sentiments non moins ambigus, et peut-être d’une autre nature, qu’elle porte à Kolia, brillant écolier, adopté par le père de Tania. Les émotions de la jeune fille, faites de nuances, de révoltes, d’incompréhensions, de jalousie, mais dépeintes avec beaucoup de sobriété, emplissent le récit, sans que nous ayons plus de réponse qu’elle à ses questions, et notamment sur les raisons qui ont poussé son père à quitter sa mère. Rouvim Fraerman a vraiment composé là un texte superbement écrit, un brin mélancolique, touchant, poignant par moment, sur la fin de l’enfance, sur l’Amour, sur l’Amitié, dans le cadre enchanteur et rude de la lointaine Sibérie.