Un poil dans l'âme
de Jean-Michel Robert

critiqué par Eric Eliès, le 27 décembre 2019
( - 49 ans)


La note:  étoiles
Eloge de la paresse
Cette petite plaquette de 45 poèmes aux accents d’aphorismes, est un petit bijou finement ciselé de poésie et d’humour. Ces poèmes très courts (qui ne demandent pas un grand effort de lecture, comme si l’auteur avait eu le souci de respecter le poil dans l’âme du lecteur !) sont de petites variations sur la fainéantise. Elles font l'éloge du paresseux, qui accepte placidement son sort, et sourient à nos vies mollement engluées dans le train-train – un peu sordide - des jours ordinaires.

L’auteur écrit à petites touches en partant d’expressions quotidiennes prises au sens littéral :

p.16 : Certains brûlent leur vie / par les deux bouts // Le fainéant / lui / ne joue pas avec le feu // Il fout la paix à ses cendres

ou de petites réflexions sur l’inanité des grandes prétentions :

p.21 : De la fenêtre de sa chambre / des heures durant / il admire / l’élévation patiente / l’orgueil / la noblesse des arbres // Les arbres // la seule élite / respectable.

p.13 : Pour trouver / la sérénité / le fainéant ne fouille pas les poubelles / des philosophies / plus ou moins exotiques // Un bon canapé lui suffit // Il reste ainsi des heures / vautré / dans son plus beau sourire // tandis que son esprit essaye / un à un / tous les coussins de l’absolu

p.37 : Faire son marché / suffit à épuiser / son besoin d'aventure // Dans le cabas / son odyssée / pèse moins que la laitue // D'ailleurs sa Pénélope / supporte mal / les attentes prolongées

Mais, outre ces considérations mi-amusées mi-désabusées, l’auteur sait aussi trouver des images expressives, poétiques et souvent assez drôles comme des petits clins d’œil, tel ce « beau comme un chausson dans la tempête » (qui semble faire un écho aux images surréalistes) ou le petit poème ci-dessous, qui m’a fait songer au poème de Baudelaire sur le poète fasciné par la course des « merveilleux nuages » :

p.34 : La réussite n’est pas son fort // Il mâchouille ses échecs / les pieds dans la cuvette / les yeux dans les nuages // ces bons douillets nuages / éboulant doucement leur paresse // avant de la laisser mourir // en pluie limpide / en pluie battante