Des jours sans fin
de Sebastian Barry

critiqué par Cyclo, le 8 décembre 2019
(Bordeaux - 78 ans)


La note:  étoiles
la colonisation aux USA
"Des jours sans fin", roman récent écrit par un Irlandais, est en fait un western. Il raconte l'histoire de deux hommes dans l'Amérique du nord des années 1850 et 1860. L'émigré irlandais Thomas McNulty, échappé à douze ans à la grande famine irlandaise des années 1840 (qui tua son père, sa mère et sa sœur) rencontre John Cole, à qui le lie bientôt une solide amitié amoureuse. Pour éviter de crever la dalle, après avoir été saltimbanques travestis en femmes dans un saloon, ils s’engagent dans l’armée et prennent part aux guerres contre les Amérindiens puis à la guerre contre les sudistes. De la Guerre indienne, ils rapportent une jeune fille, Winona, rescapée du massacre de son clan, nièce du grand chef sioux Celui-Qui-Domptait-Les-Chevaux. Ils l’ont adoptée. Quand la guerre civile éclate, ils envoient Winona chez leur mentor du saloon, chargé de veiller à sa sécurité et de parfaire son éducation : elle va chanter. Puis ils s'enrôlent dans l'armée nordiste. Capturés par l’armée confédérée, Thomas et John échappent de peu à la mort par pendaison ou famine. Sauvés par un échange de prisonniers, ils reprennent leur spectacle de travestis puis vont s’installer avec Winona dans le Tennessee chez un ancien soldat qui fut leur ami lors des guerres indiennes et qui a repris une plantation de tabac.

Je n’en raconte pas plus. C’est un livre magnifique qui montre la brutalité des mœurs de l’époque, par exemple lors de la traversée en bateau d’Irlande jusqu’aux Amériques, la cruauté et de l’infamie des guerres indiennes, l’horrible boucherie de la Guerre de sécession et des camps de prisonniers. Mais il y a la beauté des paysages et l’humanité (notamment celle des deux héros et de quelques comparses) qui se déploie malgré tout derrière les violences quasi permanentes. Comme partout en Amérique, les grands colons du sud ne font pas dans la dentelle : devenus officiers, ils massacrent allègrement les "nègres" prisonniers qui avaient eu le malheur de s’engager dans l’armée nordiste. Par ailleurs, l’idylle homosexuelle, plus ou moins cachée, des deux amis, est évoquée avec brio et peut amener les derniers intolérants lisant ce livre à s’interroger sur les motifs de leur rigidité d'esprit. De même le racisme anti-indien ou anti-nègre, forcément réaliste pour l’époque, nous paraît d’une injustice absolue aujourd’hui.

Un très beau livre écrit dans une langue drue...