Voyage d'un reporter au pays de la censure
de Peter Greste

critiqué par Colen8, le 4 novembre 2019
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Un métier exigeant et dangereux
Victime collatérale d’un conflit idéologique opposant le Qatar à l’Egypte après l’éviction du gouvernement des Frères Musulmans, ce reporter australien a été amené à réfléchir à la liberté de la presse. Hypocrites, les démocraties occidentales n’en sont pas plus respectueuses des libertés fondamentales quand il s’agit de ce qu’elles entendent sous l’étiquette terroriste. Ayant ont durci leurs législations sur la sécurité intérieure, elles peuvent surveiller n’importe qui, sinon des journalistes théoriquement protégés du moins leurs sources, par le biais des métadonnées(1). Les régimes autoritaires moins conciliants vont jusqu’à considérer comme des traîtres les correspondants des médias qui donnent encore par souci d’équilibre la parole aux soutiens d’un camp adverse.
Le témoignage de Peter Greste est digne, courageux, factuel, empreint d’émotions. Il alterne souvenirs personnels et observations. Il relate ses séjours antérieurs au Moyen Orient dont ceux en Afghanistan précédant les attentats contre les tours jumelles du 11 septembre 2001. Depuis lors, en nombre grandissant des journalistes ont été intimidés ici et là au point de pratiquer eux-mêmes l’autocensure. En citant les relevés du CPJ(2) il relève ceux d’entre eux qui ont été enlevés contre rançon, emprisonnés arbitrairement, assassinés délibérément. Victimes professionnelles pour une part, les journalistes doivent aussi s’interroger sur leurs responsabilités en matière d’information, être conscients des manipulations des différentes factions qui les utilisent comme caisses de résonance vis-à-vis des opinions publiques.
A partir de fin 2013 lui et ses deux collègues de la chaîne qatari Al Jazeera auront subi une arrestation inattendue sur des chefs d’inculpation sans preuves, des incarcérations arbitraires toujours prolongées dans l’attente d’un jugement, une parodie de procès pour terrorisme, une condamnation insensée à 7 ans de prison, un appel rejeté et enfin leur libération échelonnée entre février 2015 pour lui et septembre suivant pour les autres. Il insiste sur la solidarité entre détenus, les petites astuces et la créativité pour garder le moral et rompre le vide du quotidien. Une interview du Point parue à la sortie de son livre il y a un an indique qu’il occupe maintenant une chaire de journalisme à l’Unesco(3).
(1) Principalement toutes les traces d’échanges récupérées auprès des opérateurs de réseaux
(2) Comité pour la Protection des Journalistes, ONG américaine comparable à Reporters sans frontières : https://cpj.org/fr/
(3) https://lepoint.fr/editos-du-point/…