La Contamination du monde - Une histoire des pollutions à l'âge industriel
de François Jarrige, Thomas Le Roux

critiqué par Colen8, le 24 octobre 2019
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Pauvre planète
Asphyxiée, empoisonnée, souillée, dévastée, la planète encaisse les rejets, les déchets, les extractions, subit toutes sortes de transformations, induites par les OGM, par l’introduction de centaines de milliers de molécules de synthèse dont nul ne connait les effets à terme de l’autre, par la révolution numérique si énergivore avec ses millions de serveurs, ses milliards d’objets connectés.
Vrai sujet d’inquiétude, cette histoire montre à quel point la santé publique et la préservation de l’environnement sont toujours passées après les intérêts sous-jacents d’un « progrès » apparent : le confort, la consommation, les emplois, bref la croissance du PIB promue comme par magie synonyme du développement économique. Existant depuis des siècles en Europe ce modèle et ses arguments ont logiquement essaimé partout ailleurs avec les guerres et les conquêtes coloniales.
Sous l’Ancien Régime les nuisances assez localisées dues aux fumées, aux odeurs, à la contamination des eaux prenant de drôles de couleurs pouvaient être éloignées sur plainte du voisinage. La fabrication des métaux et leurs rejets acides avec les exploitations minières associées étaient jugées insalubres, les déchets organiques recyclés sur place servaient pour partie d’engrais naturels.
Les premiers questionnements sur le bien-fondé de cette course à la puissance soutenue par les autorités, les industriels, les scientifiques et experts, qui a contribué à l’essor industriel du XIXe siècle, ont été le plus souvent négligés, étouffés derrière le doute, parfois sommairement régulés, ne donnant lieu à indemnisation que dans les cas les plus graves. Les exemples sont légion : amiante, DDT, essence au plomb, PCB et autres plastiques.
L’emballement des dégradations depuis quarante ans ne sont qu’une des conséquences les plus visibles des deux conflits mondiaux du siècle dernier. Il a fallu réemployer dans le civil des capacités de production en excès, mais vitales à la conduite des guerres, d’où entre autres la croissance phénoménale de l’aéronautique pour l’aluminium, des insecticides et pesticides issus des armes chimiques pour l’agriculture.
Aux choix de la sobriété, d’un plus juste partage du fardeau des pollutions largement exporté vers les pays pauvres, les optimistes du clan des puissants préfèrent la fuite en avant, le pari de la techno-science pour réparer les dégâts.