Le Vent des libertaires T1
de Philippe Thirault (Scénario), Roberto Zaghi (Dessin)

critiqué par Blue Boy, le 22 septembre 2019
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Un hommage romancé à un héros anarchiste
Cette BD historique nous fait faire connaissance avec l’anarchiste ukrainien Nestor Makhno, quelque peu oublié par la grande histoire mais qui aurait pu changer la face de l’Europe au début du XXe siècle. Car son rôle au sein du mouvement libertaire fut loin d’être négligeable. Mais ce combattant qui traversa un demi-siècle de révoltes et de révolution, et dont la devise était « La liberté ou la mort », dut lutter contre plusieurs fronts, les fascistes aussi bien que les communistes. Ces derniers, censés être ses alliés, n’ont jamais hésité à le trahir et à le calomnier de la façon la plus inique, pour finalement parvenir à le briser.

Quelque peu oublié par la grande Histoire, Nestor Makhno aurait pourtant bien mérité de figurer au panthéon des héros révolutionnaires voulant renverser l’ordre établi, bien devant Staline ou même Lénine. Héros romantique et charismatique issu d’une paysannerie très pauvre, celui-ci prônait l’avènement d’une société égalitaire gérée par le peuple et pour le peuple. Il y réussit partiellement dans son Ukraine natale, en constituant en 1918 une armée forte de 50.000 hommes (la Makhnovchtchina) pour combattre les Armées blanches et mettre en place un système collectiviste et autogéré pour la production nationale agricole et industrielle. Cela ne se fit pas sans mal puisqu’il fallut recourir à la violence face à une caste de puissants qui ne voulaient pas renoncer si facilement à leurs privilèges. Mais dans la guerre civile qui opposa les Russes blancs et les bolcheviks pendant trois ans, Makhnov dut fuir vers la France après avoir été trahi par l’Armée rouge et subi les calomnies abjectes des partisans du nouveau pouvoir soviétique. C’est à Paris en 1934 qu’il finit ses jours, malade et miséreux, une bien triste fin pour l’homme de bien qu’il fut.

Avec à son actif une bonne vingtaine de scénarii, Philippe Thirault n’est pas vraiment un nouveau venu dans la bande dessinée. Il signe ici un récit bien construit et fluide, sans déroger aux codes du genre historique. De la vie mouvementée - à la fois riche et tragique - de Makhno, l’auteur en tiré une histoire ultra romancée – même s’il n’a pas oublié l’aspect politique - qui pourra plaire également aux amateurs d’aventure. Une option critiquable peut-être, mais qui aura le mérite de faire connaître le héros ukrainien à un plus large public. Quant au dessin, on ne peut pas faire plus académique, mais cela n’enlève rien au talent de Roberto Zaghi pour qui le contrat est rempli sur le plan du réalisme et du souci du détail.

Si d’un point de vue formel « Le Vent des libertaires » ne brille pas par son originalité, on sait gré aux auteurs d’avoir mis un coup de projecteur sur cette figure délaissée et pourtant notable de la Révolution russe et du mouvement libertaire en général. A une époque où toute velléité de rébellion de la société civile semble condamnée d’avance par les instances politico-médiatiques, ce type d’œuvre reste toujours appréciable. On peut même avouer avoir envie de lire la suite de ce diptyque annoncé.