Inégalités mondiales
de Branko Milanovic

critiqué par Colen8, le 15 septembre 2019
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Ploutocratie et populisme à la manœuvre
L’un des résultats présentés ici est la spectaculaire courbe de l’éléphant, traduisant la mesure des inégalités en coefficient de Gini pendant la période 1988-2008, couvrant donc à la fois la fin de l’ère soviétique et l’essor du capitalisme d’état chinois. Celui-ci est partiellement cohérent avec les travaux antérieurs menés par Kuznets sur les inégalités(1), lui qui voyait les trop gros écarts de revenus et de patrimoines produire un rattrapage égalitaire à terme. Un tel résultat effectivement observé sur une partie du siècle dernier est contredit par les observations et mesures économétriques des dernières décennies.
Sans aucun doute les quelque 1500 milliardaires en dollars recensés en 2013 tous pays confondus(2) sont les grands gagnants de la mondialisation depuis 30 ans. Les centaines de millions d’asiatiques ayant des revenus autour du 50e centile et classés dans les classes moyennes ont eux aussi vu leurs revenus augmenter rapidement tandis que les classes moyennes atlantiques dont les revenus s’étalent entre les 70e et 90e centiles les ont vu stagner en valeur relative, même s’ils ont un peu progressé en valeur absolue.
Les conséquences politiques pour l’avenir d’une telle situation inédite dans l’histoire mondiale semblent aller dans deux directions défavorables l’une et l’autre à la démocratie :
- l’évidement des classes moyennes avec l’effritement concomitant de l’Etat-Providence, ultime rempart contre le déclassement, et qui ouvre un boulevard au populisme et au rejet de l’immigration
- la montée de la ploutocratie dans les pays démocratiques dont la politique sert d’abord les plus riches, autrement dit ceux qui la financent.
Difficile d’être plus précis, complet et synthétique dans ce tour d’horizon des inégalités mondiales qui permet d’alimenter le débat en s’appuyant sur des sources aussi fiables que possible. Pour rendre les comparaisons pertinentes entre elles et avec les périodes préindustrielles il a nécessité un travail colossal de recueil et d’homogénéisation des données de revenus et de patrimoines dans une bonne centaine de pays sans omettre la dimension historique sur plusieurs siècles. La préface et la postface résument fort bien les idées et les résultats de cet essai qui fera date.
(1) Inégalités qui pour certains auraient peut-être précipité le Premier Conflit mondial…
(2) Soit avec leur famille, un millionième de la population mondiale, capables de dépenser 1000 $ par jour pendant 2 700 ans !