Tofee suivi de La preferida
de Edmée de Xhavée

critiqué par Débézed, le 25 août 2019
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
La loterie du mariage
Avec cette nouvelle publication qui comporte deux courts romans qui tous les deux évoquent la diversité des relation sentimentales qui peuvent naître entre deux personnes et, éventuellement, les conduire au mariage, Edmée de Xhavée nous rappelle qu’elle n’est pas seulement une excellente nouvelliste mais aussi une très bonne romancière. Elle sait magnifiquement disséquer tout ce qui se passe entre deux personnes qui s’aiment, s’aiment de plus en plus, plus souvent de moins en moins, parfois ne s’aiment pas du tout et, dans certains cas, finissent même par se détester. Elle est experte pour dénouer tous les liens qui se nouent, se dénouent et finissent par s’embrouiller dans un groupe de personnes pour composer des couples mariés, des cercles d’amis, des relations inavouées, tous ce qui rapproche ou sépare les êtres amenés à se croiser fréquemment. Elle connait aussi très précisément les mécanismes qui animent la société bourgeoise du XX° siècle qui sert de fond aux deux histoires qu’elle raconte dans ces deux romans.

Toffee c’est une petite boniche bien ambitieuse, elle veut sortir de sa condition ancillaire en épousant un industriel beaucoup plus âgé qu’elle, il vient de perdre la femme qu’il adorait. L’auteure raconte comment, bien des années plus tard, sa fille se rend dans un hospice pour rencontrer le fils de l’industriel en question et essayer de restituer l’histoire comme elle s’est réellement déroulée.

La preferida c’est la grande sœur ambitieuse qui veut toujours être sur le devant de la scène quitte à écarter sa petite sœur quand un beau parti se présente. L’auteure donne la parole aux différents protagoniste de cette histoire pour dévoiler les manœuvre de cette séductrice plus intéressée par un joli héritage en perspective que par son mari. C’est avec une réelle malice et sans aucune concession qu’Edmée démonte le machiavélique projet que cette ambitieuse a hourdi avec cynisme pour enfin trôner sur le siège sur lequel sa mère n’a jamais pu se pavaner malgré le pédigrée de son père.

Edmée de Xhavée passe ainsi à la moulinette une société qu’elle connait bien, une société où les apparences ont plus d’importance que la réalité, une société où il faut éclabousser les autres pour exister au-dessus d’eux, une société où le mariage, et même parfois l’amitié, sont d’abord des associations d’intérêts avant d’être des unions de personnes qui s’aiment et s’apprécient. On dirait qu’à travers ces portraits de familles, elle cherche à montrer le vrai visage de cette société qu’elle ne semble pas beaucoup apprécier. Mais même si ses personnages s’embrouillent régulièrement dans leurs amours et leurs amitiés, créant des situations toutes plus inextricables les unes que les autres, semant le chagrin et le malheur dans les cœurs et les corps, il reste que tous les héros et héroïnes de ces deux histoires éprouvent tous de l’amour qui est, hélas, rarement partagé et encore plus souvent contrarié par un environnement trop intéressé.

Et si l’amour n’était qu’un sentiment à durée déterminée entre des êtres libres et responsables, à l’abri des intérêts des autres … ?