Quatrains et autres poèmes brefs
de Emily Dickinson

critiqué par Septularisen, le 21 août 2019
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
“Et le Temps est allé porter la nouvelle À l’Éternité –“
La Surprise est comme un piment – fort –
Dans un mets fade.
Trop âcre – en soi – mais mélangé
Régal consommable -

Reconnue aujourd’hui comme l’une des plus grandes poétesse, figurez-vous qu’ Emily DICKINSON n’a quasiment rien publié de son vivant, et ne s’est même jamais proclamée poète. La plupart de ses poésie étant destinées à sa famille, dans ses nombreuses lettres, puisque, rappelons-le Emily DICKINSON, a passé volontairement toute sa vie recluse dans sa maison, dans sa chambre pour être plus exact!

Elle n’a que sa Grâce,
Et celle-ci, si peu s’étale,
Qu’il faut un art pour la déceler,
Un autre Art, pour la louer – (À Susan DICKINSON)

Plus d’un siècle après sa mort, cette édition de l’intégralité (près de 600), de ses quatrains, donne enfin la possibilité d’entrevoir l’immense étendue de sa création et de son talent! Et franchement? Un grand bravo a Mme. Claire MALROUX, qui a su si bien rendre le tout, dans sa lumineuse traduction…

Nous L’avons connu d’abord par la Mort -
En second, par la Gloire -
Sans justification par la première
La seconde ne serait point -

C’est une poésie qui est toujours sur le fil du rasoir, comme si elle marchait sur un câble tendu, dont, heureusement, elle ne tombe jamais… Elle explore l’intérieur, délicatement. Elle nous parle de la nature, des arbres, des fleurs, des oiseaux, des abeilles…

De la Nature je serai repue
Quand ici j’aurai pénétré
D’un Bourdon
Admise aux Privautés.

La graphie et la ponctuation sont aussi très particuliers. C’est très très moderne pour l’époque, d’autant plus qu’elle n’emploie absolument pas un vocabulaire… Disons “romantique”. Il y a p. ex. sans cesse des majuscules, des ellipses, des hachures de pensées, des virgules places de façon très étrange, des tirets qui surgissent de nulle part!..

Par d’aussi menues Courtoisies
Une Fleur, ou un Livre,
Se plantent les grains de sourires -
Qui dans l’ombre fleurissent

Le thème de la mort est aussi omniprésent surtout dans la dernière partie des quatrains, où Emily DICKINSON voit disparaitre tous ses proches les uns après les autres…

On ne sait jamais qu’on part – quand on part –
On plaisante, on ferme la porte
Le Destin, qui suit, derrière nous la verrouille
Et jamais plus on n’aborde. (Lettre à Louise et Frances NORCROSS)

Les plus bouleversants sont ceux consacrés à son neveu favori, Gilbert, mort à huit ans:

Grimpant pour atteindre les Coeurs précieux
Auxquels il donnait leur valeur,
Il les a brisés, craignant la punition
Il s’est enfui de la Terre – (À Susan DICKINSON et T.W. HIGGINSON)

Les poèmes sont faciles à lire, mais parfois un peu bizarres, parfois durs, complexes, compacts, singuliers, précis, parois ironiques et parfois même très obscurs... Mais ils irradient une beauté sans pareil, une passion folle. On “voit” littéralement devant soit ce dont elle est en train de nous parler!

Cette petite Ruche abritait
De tells Promesses de Miel
Que le Réel devenait Rêve
Et le Rêve, Réel – (Lettre à Elisabeth HOLLAND)

J’invite donc tous les lecteurs de CL, amateurs de poésie, ou pas, à venir découvrir les quatrains d’ Emily DICKINSON, son journal intime en quelque sorte, des étincelles, des fragments de vie arrachés au quotidien… Les “gouttes impériales” d’Emily DICKINSON…

La perspective, par-delà la Tombe
De voir sa Contenance
Me sourient comme des Gouttes impériales
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