Calfboy
de Rémi Farnos

critiqué par Blue Boy, le 23 juin 2019
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Boire ou braquer, il faut choisir !
Chris Birden a un problème. Il ne se souvient plus où il a caché le butin du dernier braquage de train qu’il a perpétré avec son frère. Cause du problème : au moment où il a décidé de planquer le butin, Chris était passablement éméché. Le retrouver en trois jours comme il l’a promis au frangin ne sera pas chose facile, à moins que sa bonne étoile ne s’en mêle...

Avec ce western loufoque, Rémi Farnos, remarqué comme « Jeune talent » lors du FIBD 2014, en est à sa troisième publication, cette fois sous les auspices de l’éditeur québécois La Pastèque. Dans un style qui n’est pas sans rappeler Lewis Trondheim, le jeune auteur, nantais d’adoption, se distingue surtout par un choix de mise en page original et peu pratiqué dans la BD. Comme pour ses œuvres précédentes qui elles s’adressaient à un public « jeunesse » - Thomas & Manon (Editions Polystyrène) et Alcibiade (La Joie de Lire) -, Rémi Farnos joue avec notre rapport à l’espace, dans une démarche qui s’inspire de l’Oubapo, le fameux Ouvroir de bande dessinée potentielle initié par l’Association dans les années 90. Sa spécificité : déstructurer la lecture habituelle de gauche à droite pour en multiplier les sens : de haut en bas, en diagonale, voire de droite à gauche… Comme si les cases, devenues secondaires, avaient été insérées sur la planche une fois le dessin terminé. Ainsi, si une planche représente un paysage dans son intégralité, seuls les personnages, extrêmement minimalistes en comparaison, sont répétés dans des postures différentes, évoluant sur trois ou quatre cases de la page avec pour fonction d’être le fil conducteur de l’histoire.

Cela fonctionne parfaitement et le lecteur prend un vrai plaisir à suivre l’histoire de ces deux cow-boys de pacotille, pas vraiment faits pour le job. Car heureusement, Farnos a la bonne idée d’employer sa technique avec modération, évitant d’en faire un gimmick systématique qui risquerait de lasser. Au contraire, il sait doser ses effets et ménager la surprise. Et c’est bien lorsqu’on réalise, sans forcément s’y attendre, que les cases s’ouvrent soudainement sur une vue panoramique, qu’on ressent une joie quasi enfantine… Et quoi de plus naturel de jouer avec l’espace quand l’histoire se déroule dans les grands « espaces » du Far West ? Du coup, ce n’est pas par hasard si les deux ouvrages précédents s’adressaient aux enfants, l’un deux, Thomas et Manon, se présentant d’ailleurs sous forme de livre-objet incluant des cartes à jouer, à l’aide desquelles le gosse prend part à l’histoire ! Ouvroir, vous avez dit « ouvroir » ?

Remi Farnos est donc un ouvreur d’espace mais pas seulement. Il s’amuse également avec le temps (l’espace étant intimement lié au temps comme on le sait…), avec un récit qui se termine de façon très drôle comme il a commencé… et peut ainsi se lire à l’infini…

On ne s’appesantira pas sur le scénario de « Calfboy », qui tout en étant simple et fluide, ne comporte pas un réel intérêt. L’auteur joue davantage sur l’absurdité des situations et démonte scrupuleusement le mythe de l’outlaw, transformé ici en pied nickelé, incapable de se rappeler où il a enterré le butin de ses forfaits un soir de beuverie, juste bon à se faire voler son cheval par une fillette… On n’est pas tordu de rire mais on aura passé un bon moment, surtout par le côté ludique de la mise en page. Au final, c’est avec intérêt que l’on suivra désormais Rémi Farnos, dont l’esprit créatif sur le plan visuel semble être la marque de fabrique.