L'oeil soldat
de Larry Tremblay

critiqué par Nathavh, le 1 juin 2019
( - 59 ans)


La note:  étoiles
L'oeil soldat
C'est l'auteur de "L'orangeraie" pour ne citer que son roman le plus connu, il est québecois et c'est avec joie que j'ai eu l'occasion de le rencontrer en mars chez Tulitu (la belle librairie bruxelloise où l'on peut s'approvisionner en littérature québécoise).

C'est un récit poétique qu'il nous propose, un récit au rythme implacable. C'est fulgurant, je l'ai lu en partie à voix haute pour percevoir la force et la puissance des mots qui racontent le chaos, la guerre, la violence.

C'est puissant. Un jeune homme dont j'ai perçu l'histoire de la naissance à ce jour, fait un pacte avec le Diable. Il peut en un clignement de paupière changer de sexe, de couleur et d'époque. Il est devenu soldat.

Le récit est divisé en deux parties.


L'oeil gauche
Ce sont des vers qui nous décrivent sa vie, son parcours, le déchirement entre le Bien et le Mal, tuer, obéir. Plutôt qu'un discours voici des extraits :

Qui dort
dans mes draps d'enfant
moi ou le corps
agité
de ma pensée ?

---

On me donne le choix
entre le mal et le bien

Cela me paraît peu
y a-t-il autre chose ?

Je gratte le mal
trouve le bien

Je gratte le bien
trouve le mal

---

S'il y a Dieu
il y a le Diable
qui me prouvera
que l'un n'est pas l'autre


---

J'ai raté l'enfance
son train est parti sans moi

---

Je dois
accomplir le mal
avec tout le bien
disponible

Ou le bien
avec tout le mal
du pareil au même
me chante le Diable

---

Il pleut des morts
mais cette pluie
ne lave rien
n'étanche rien


2. L'oeil droit

Le style est différent, successions de mots.

C'est la description de la guerre, d'un génocide, de la haine, l'horreur.

En voici quelques extraits

faut-il que la langue
pour désintégrer
les mots prières
les mots attentats
se suicide ?

---

les mots tombent sur la terre
la transforment en boue
les mots entrent dans ses entrailles
lui volent sa pesanteur

je sens les phrases
grouiller sous mes bottes
j'agrandis ma bouche
avec la barre d'un cri
je dégueule plus fort

mot crasse

mot orage

salive acide

syllabes meurtrières

barbelés de cris

mot génocidaire

mot pétrole

mot diamant de sang

combien d'autres fois
faut-il coudre nos bouches
charniers où notre langue
se décompose ?



C'est fort, puissant, un récit qui interpelle. A lire ♥

Ma note coup de ♥