Lin Zhao: "Combattante de la liberté"
de Anne Kerlan

critiqué par Colen8, le 20 mai 2019
( - 82 ans)


La note:  étoiles
L’irréductible
En toile de fond défilent le Mouvement du 4 mai (1919), la guerre sino-japonaise et ses massacres de millions de civils (1936-1939), la guerre entre nationalistes et communistes avec encore des millions de victimes (1945-1949), l’instauration de la République Populaire de Chine (1949). C’est à cette date que se dessine le parcours de la jeune Lin Zhao émancipée de sa famille classée bourgeoise pour tenter avec ferveur d’embrasser le communisme pendant plusieurs années. Jamais complètement intégrée, souvent en butte aux harcèlements et aux humiliations elle traverse la révolution agraire (1951), le mouvement des Cent Fleurs (mai 1957), le début du Grand Bond en avant (fin 1957-1962), avant d’être mise à l’écart sous l’étiquette infamante de « droitière ».
Vive et précoce d’esprit, fragile de santé et tôt atteinte de tuberculose, son éducation raffinée dans une école chrétienne de missionnaires américains lui permit d’exprimer un grand talent littéraire révélé peu à peu dans ses écrits, sa correspondance, sa poésie naturelle. Etudiante formée au journalisme elle avait mis tout son espoir et son énergie dans une transformation positive de la Chine grâce à la Révolution communiste après les violences et la déliquescence vécues par ses parents et durant son enfance. A travers quelques-uns de ses écrits de prison récupérés de-ci-delà, ses longs poèmes « La passion de Prométhée » et « La Mouette » transparaissent une force d’âme, une lucidité, une sincérité qui feront d’elle une dissidente majeure dont la voix plus forte à mesure que le temps passe appelle toujours à la liberté et à la démocratie.
C’est au début de la Révolution culturelle (1968) qu’elle est exécutée à 36 ans seulement après avoir été surveillée, parfois trahie, envoyée en rééducation par le travail pendant 2 ans, incarcérée les 7 ans suivants dans les pires conditions de barbarie, de tortures physiques et mentales imaginables, sans jamais se soumettre ni à l’autocritique publique ni à l’abolition de la pensée personnelle exigées par les autorités. Peu après la mort de Mao (1976) et un semblant d’ouverture de courte durée la sœur de Lin Zhao devenue américaine (1985) a réussi à la faire innocenter du délit de droitière, sans toutefois obtenir la moindre réhabilitation officielle. Un demi-siècle après sa disparition le dossier judiciaire n’est toujours pas accessible.