La Duchesse et le Roturier
de Michel Tremblay

critiqué par Cuné, le 21 juin 2004
( - 56 ans)


La note:  étoiles
D'une finesse incomparable
3° tome des chroniques du palteau Mont-Royal
Nous sommes en 1947, et Victoire va nous quitter là, entraînant avec elle sans doute très vite après Josaphat.
Edouard est celui que nous allons le plus suivre, dans le Montréal nocturne des revues, du spectacle, Edouard qui à la mort de sa mère va tenter de se révéler tel qu'il voudrait être.

Oh la la la la, ce 3° tome est bouleversant. L'analyse de la relation d'Edouard à sa mère est hyper pertinente. Les réactions de la grosse femme face à l'homosexualité de son beau-frère sont immensément humaines, je suis émerveillée de la façon si précise et délicate qu'a Michel Tremblay de nous dépeindre avec minutie et beauté la nature humaine , la nôtre exactement.

3 moments forts pour moi dans ce tome :

Le 1er, la scène dans le café avec Thérèse et les verres d'eau chaude. Hilarant ! Lorsque vous le lirez pensez à moi Dans cette scène tout est dit : Lucienne et Richard, qui cherchent à "s'élever" de leur condition, sans échapper au snobisme leur faisant traiter de haut leurs anciens congénères, Thérèse qui débarque et qui sent tout ça en un instant, et la chute drôlatique avec la petite mesquinerie de la serveuse .... superbe !

Le 2°, le passage où Edouard offre à la grosse femme un livre qu'a priori elle ne veut pas lire, parce qu'il parle de gens comme elle, or, elle, ce qu'elle cherche dans la lecture c'est l'évasion. Mais elle le lira, l'adorera, et n'aura de cesse de le faire lire à tout le monde... Je crois bien qu'il s'agit de bonheur d'occasion de Gabrielle Roy dont nous parle Michel Tremblay, là, non ? J'ai cherché vainement sur le net des indications sur le livre dont il est question. D'après mes recoupements c'est ça, mais si quelqu'un trouve quelque chose là-dessus, ça m'intéresse !

Et enfin le 3° moment EXTREMEMENT percutant c'est la petite phrase de Marcel à sa tante juste avant qu'elle ne parte pour voir Tino Rossi.... "J'ai choisi le mensonge..." Extraordinaire ! ça vous tue complètement ! Reprenant une longue conversation, par cette petite phrase Marcel renonce à sa personnalité profonde, montre son désir de se conformer pour vivre au milieu des autres, c'est terrible !!! Et ça arrive juste après un long moment d'excitation, car on est tout émoustillés aussi à l'idée d'aller au concert avec Albertine et la grosse femme....

Ah non vraiment ce livre est construit de façon magistrale, je n'exagère pas du tout, c'est magnifique
La saga continue... 10 étoiles

Ce troisième tome des Chroniques du Plateau Mont-Royal nous permet de continuer à suivre la famille de la rue Fabre.
Cet opus se situe fin 1946 / début 1947. L'auteur (né en 1942) a maintenant 5 ans et s'ouvre au monde et notamment à son cousin Marcel et à sa drôle de vie solitaire.
Ce roman polyphonique, comme les autres de la série, est cette fois plutôt centré sur Edouard (l'oncle du narrateur) et sur la vie nocturne de Montréal.
La relation entre Edouard et sa mère (Victoire) a qui celui-ci n'ose avouer son homosexualité et dont celle-ci a pourtant conscience est un des éléments forts de ce roman. Et seule la mort de Victoire, en libérant Edouard dans la douleur de cette mère aimante mais trop dominatrice, lui permettra de s'accomplir, notamment en devenant travesti.
Par ailleurs, de multiples autres thèmes secondaires viennent alimenter l'intérêt de cette oeuvre (on y croise même Valéry Giscard d'Estaing, qui a vraiment vécu à Montréal à cette époque, pour des moments vraiment désopilants).
Michel Tremblay a su maintenir l'intérêt du lecteur dans le troisième des six romans de cette série !

JEANLEBLEU - Orange - 56 ans - 6 septembre 2015