Diogène Ou la Tête Entre les Genoux
de Louis DUBOST

critiqué par Débézed, le 5 mai 2019
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Culture et culture
Après avoir décrit dans « Bestiolerie potagère » le petit monde qui peuple son jardin, Louis Dubost, le poète jardinier, dresse un abécédaire de son potager dans lequel il regroupe les plantes qu’il cultive, celle dont il voudrait bien se séparer à jamais, les petites bêtes indispensables à une bonne récolte, d’autres plutôt nuisibles, et d’autres choses encore qui font partie de la vie d’une jardinier assidu et attentif à son carré de terre nourricière. Diogène, c’est Louis Dubost dont Georges Catahlo, le préfacier de « Bestiolerie potagère », dévoile qu’il fut « éditeur à temps plein, poète à temps partiel, professeur à temps professionnel, philosophe à temps perdu, élu local à temps difficile… ». Pour compléter ce portrait, je me réfère à sa descendance, ses merlottes et ses merlots, qui voudrait le dessiner avec les produits de son potager : « une tomate pour le nez « rouge et long, une andine fera l’affaire » …, la bouche sera une cosse de petit pois entrouverte « avec les grains pour les dents » …, les cheveux avec des poireaux aux racines coupés à trois centimètres, etc… »

Si Diogène raconte son jardin, ses légumes, ses travaux de jardinage et toutes les petites bêtes qui le peuplent pour le plus grand bien de ses cultures ou le malheur de son potager, il glisse aussi dans ses textes de nombreuses allusions démontrant sa vaste culture. Il connait manifestement la littérature, surtout classique, mais aussi les arts en général, la politique, le sport, le cinéma et bien d’autres choses encore. Son écriture pleine de verve, lance des piques acérées en direction de ceux qui détiennent le pouvoir sans en user à bon escient et tous ceux qui ne respectent pas dame nature comme elle le mérite, au risque d’encourir ses foudres. Ces pointes d’impertinence habilement distillées assaisonnent délicieusement son texte et tous les légumes qu’il contient.

Son texte enchanteur chante à l’oreille quand il conspue toute une liste de petites bêtes, « ces saloperies de bestioleries », qui « sucent la sève, le sang, l’élan vital … » de ses plantations mais il est aussi un rien sentencieux quand il évoque avec ironie, dérision, moquerie narquoise, la politique, ceux qui la font, les errements de la société avec leurs responsables, la littérature et ses poètes prétentieux mais peu talentueux, le cinéma, la chanson, et parfois en rendant hommage à ceux qui ont véritablement du talent. Son potager n’est pas qu’un carré de terre, c’est aussi le monde dans lequel il vit.

De la pure poésie en prose, le bonheur est peut-être dans le pré mais il est peut-être aussi au potager quand le jardinier ne pense pas qu’à sa récolte. « La poésie ne distrait pas, n’abstrait rien, elle extrait l’essentiel. Ecrire le jardin comme on sème les mots d’une poésie ». De la poésie qui laisse sourdre un joli trait d’émotion quand le poète évoque son père. Mon père « Qui m’a laissé en héritage sa bêche à dents et son goût pour les livres. Depuis lors, …, je m’exerce avec entrain à casser les mottes et à bêcher le langage d’un potager de mots ». et, pour conclure je dirais au poète que j’abonde vivement dans son sens quand il écrit que : « La friche politique devrait en prendre de la graine : plutôt qu’à un énarque, il serait davantage pertinent de confier la gestion de l’Etat à un jardinier ». J’en suis intimement convaincu. Il ne me reste que quelques paragraphes à biner, quelques sillons à butter avant d’attendre que mes lecteurs récoltent mes mots avec mansuétude et gourmandise.