L'homme que j'aime
de Eva Kavian, Marie Campion (Dessin)

critiqué par Débézed, le 19 mars 2019
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Concentré d'amour
J’ai découvert le talent d’Eva Kavian il y a tout juste un an après avoir acquis un de ces précédents recueils à la Foire du livre de Bruxelles. Dans ce texte datant de plusieurs années, elle parle d’amour, d’ « Amour en cours, amour qui court, amour au secours, amour discours, amour toujours, amour trop court, amour, amours, toujours, toujours, trop court, trop courts, amours qui rient, amour en larmes, attente, attente trop souvent, départ encore, encore et encore ». Elle confesse dans le titre qu’elle est « Amoureuse » mais on devine qu’elle n’a pas encore déniché celui qui saura la garder avec son amour pour toujours. Aujourd’hui, je sais que Cupidon a visé juste, ses flèches ont atteint la cible qu’elle visait depuis un temps certain déjà, elle a trouvé « L’homme que j’aime », celui qui a su capter tout l’amour qu’elle a à donner, même s’il ne fait pas la cuisine, ni même la vaisselle pendant qu’elle écrit des vers.

Dans ce nouveau recueil Eva Kavian utilise la poésie en vers, elle écrit des tout petits poèmes construits avec de tout petits vers, juste quelques mots mais des mots extrêmement choisis, toujours très justes pour dire toute la force de l’amour qu’elle a « à offrir en partage » comme chantait Jacques Brel. Ces poèmes sont un véritable concentré d’amour trop longtemps thésaurisé, trop longtemps tu, trop longtemps gardé par devers elle. Ces mots ont une telle puissance d’évocation que les hommes qu’elle choisis d’aimer ne doivent pas résister longtemps à la puissance de son amour, à la séduction de ses mots, au chant de ses vers. Et pour que ses poèmes aient plus de force encore, elle n’hésite pas à manier l’ironie et un brin de moquerie destiné à titiller celui qu’elle a choisi d’aimer. Eva, c’est une enjôleuse, elle provoque, elle cajole, elle charme, elle séduit…

Mais, elle sait aussi jouer avec la mise en scène de ces textes, elle sait retenir la chute d’un poème, laissant le lecteur en expectative, avant de lui livrer sur une autre page, en vis à vis ou au verso, le message caché au fond de ses vers.

« Je m’étais juré
de ne jamais plus
demander un homme
en mariage
quand je t’ai rencontré
j’ai tenu bon
toi aussi

(page suivante, après une illustration)
jusqu’à ce matin
où nous étions en retard
devant nos cafés brûlants
tu as sorti
une bague
trop petite
et j’ai dit oui. »

Ils sont certainement nombreux les amoureux des mots, et les même les amoureux tout court, qui feraient la cuisine et la vaisselle pour lire des vers comme ceux-là débordants d’amour dans le joli décor planté par Marie Campion l’illustratrice.