Correspondance, 1935-1980
de Lawrence Durrell, Henry Miller

critiqué par Sahkti, le 15 juin 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Merveilleuse amitié
Quelle complicité entre Henry Miller et Lawrence Durrell. Les deux hommes étaient amis, je le savais, mais à ce point, j’ai été surprise (en bien) par leur simplicité et la nature de leurs échanges. De grands propos généraux sur le monde, la société et la culture, mais aussi et surtout un tas de petites anecdotes de la vie quotidienne, de celles qu’on ne raconte qu’aux amis proches, ceux avec lesquels on partage tout.
Presque cinquante ans de correspondance, de lettres, d’échanges et d’amitié partagée… j’imagine que le choix éditorial a dû être difficile dans cette masse de courriers. Frédéric-Jacques Temple, qui signe parallèlement un essai sur Henry Miller chez le même éditeur, n’a pas eu la tâche aisée.

Non seulement ces lettres sont pleines de vie et d’entrain mais également de franchise et de bon sens. Les deux amis s’écrivent comme ils pensent, avec qualité et ferveur, c’est un régal que de les lire. Avec beaucoup d’humour et d’ironie lorsque Miller aborde sa vie amoureuse et que Durrell plaisante sur le sujet. C’est que six mariages et une quantité impressionnante de liaisons amoureuses ont de quoi nourrir les conversations.
Beaucoup d’émotion lorsque les deux correspondants abordent leurs petits maux quotidiens, lorsqu’un rhume chez Miller prend des allures de drame national. Le regard bienveillant de Durrell n’est jamais loin. Un vieux couple d’amis très touchant.

Mais ce n’est pas tout, Miller et Durrell échangent à propos de littérature et des écrivains, la plupart du temps en bien, à souligner à une époque où il est de bon ton de casser du sucre sur ses collègues scribouillards. Des lectures communes qui noircissent des pages entières, des informations échangées à propos de tel ou tel auteur… on réalise rapidement que les deux hommes lancent un regard global et actualisé sur ce qui se passe autour d’eux.
Notamment la guerre dont ils parlent à demi mots ou en tentant de ne pas se démoraliser. Les petites aventures de tous les jours servent de métaphore à ce qui se produit, quelques allusions permettent de prendre la température devant l’ampleur du désastre psychologique provoqué par le conflit mondial.

C’est beau, intime, pudique, cela réclame le respect pour deux hommes qui s’apprécient et n’ont pas peur de le dire. deux amis qui se congratulent et se consolent, partagent leurs tourments grands et petits, vivent leurs vies ensemble en étant pourtant séparés par un océan. La mort y mettra un terme. Peut-être. Ils étaient trop amis pour ne pas avoir trouvé la combine qui leur permet d’encore échanger leurs clins d’œil malicieux.
Les coulisses de deux vies 6 étoiles

Se dévoilent en effet beaucoup de choses : leurs manières de travailler, leurs livres que l'on sent se construire peu à peu, leur admiration réciproque, leurs avis sur l'Art, le surréalisme, la guerre, leurs voyages, la beat génération etc... Plus de quarante ans d'échanges ! Une porte entrebâillée sur les coulisses de deux vies.

Bon, bien sûr cela reste une correspondance avec tout ce que l'on peut reprocher à un tel recueil : parfois écrit à l'arraché, un peu barbant par moment, après tout ce sont des lettres privées non destinées à être étalées sous les yeux du public ! Mais passons.

Un sympathique "à côté" à réserver aux inconditionnels de l'un ou l'autre -voire les deux !- auteur(s).

Oburoni - Waltham Cross - 41 ans - 11 août 2009