Salina
de Laurent Gaudé

critiqué par Pascale Ew., le 24 février 2019
( - 56 ans)


La note:  étoiles
Conte sauvage
Malaka conte l’histoire de sa mère Salina. Elle fut séparée de sa tribu à la naissance, sacrifiée pour épargner les siens des malheurs créés par des dieux jaloux. Déposée dans la tribu des Djimba, on la laissa s’époumoner en attendant qu’elle meure, mais face à sa ténacité une femme laissa parler son cœur et l’adopta. Une fois devenue femme, le fils aîné du chef qui la convoitait depuis longtemps l’épousa contre son gré, alors qu’elle était amoureuse de son jeune frère.
Le dernier fils de Salina conte l’histoire de sa mère adoptive tandis qu’il amène sa dépouille vers une île cimetière, en espérant qu’elle acceptera d’ouvrir ses portes pour sa mère.
Ce conte dénoue le fil de la colère, de la haine et du désir de vengeance qui ont pris toute la place dans la vie de Salina. Et malgré tout, le dernier fils aime sa mère d’une extrême tendresse (il n’est qu’à lire les pages des jours entiers où Malaka se consacre à embaumer son corps).
C'est la première fois que j'apprécie un livre de Laurent Gaudé. L'histoire est loin d'être tendre, mais il s'en dégage quand même une certaine beauté, une force de caractère, même si le personnage principal se laisse dévorer par le côté sombre. J'ai beaucoup aimé le style. Le lecteur se surprend à trouver Salina attachante.
Voyage rituel 6 étoiles

La première partie du livre n'est pas sans rappeler l'excellent film "La Ballade de Narayama", dans son expression, dans sa poésie. La suite nous détaille la vie de cette mère, rejetée, et dont le fils doit raconter les différentes étapes afin que les portes du cimetière s'ouvrent pour elle.
C'est le deuxième livre de Laurent Gaudé que je lis. Je suis toujours dérouté par ce style, très particulier, et avec lequel j'ai tout de même un peu de mal. Pour les amateurs du genre.

Bernard2 - DAX - 74 ans - 23 mars 2023


Étrange traversée 8 étoiles

"Il comprend soudain pourquoi ils sont partis, pourquoi ils marchent vers l’Est depuis leur départ. Salina va mourir et elle veut trouver une terre où reposer."
Malaka commence à raconter son histoire à un étrange passeur qui emmène le corps de sa mère sur l’île cimetière.

Destin cruel de ce nouveau-né déposé hurlant à l’entrée du village de Sissoko Djimba. Malgré la décision du chef de le laisser aux hyènes, une femme Mamambala, va prendre le bébé, l’allaiter, l’élever. Salina deviendra une petite fille heureuse pendant quelques années. Bonheur qu’elle ne croisera plus que rarement.
Son destin basculera dans la violence, Salina n’acceptera jamais la soumission, gardant toujours au fond de son cœur la haine même dans l’exil.

On retrouve l’univers et la plume si particulière de Laurent Gaudé. Un univers hostile, qui m’a rappelé la Mort du roi Tsongor, les guerres de pouvoir, des combats entre deux hommes, entre deux femmes. "Je sais, moi, qu’une guerre ne s’achève vraiment que lorsque le vainqueur accepte de perdre à son tour."
Destin cruel que celui de Salina, mais tellement envoûtant.

Marvic - Normandie - 65 ans - 20 octobre 2020


Excellent 9 étoiles

Moi, Malaka, fils d'une longue chaîne de voix, je reprends les récits d'avant ma vie et de bouche en bouche, de veillée en veillée je vous fais parvenir ceci.
L'histoire de ma mère, cette femme qui avait dans la voix des fêlures qui ne mentaient pas, cette femme qui est toujours restée droite pour garder son honneur.
Elle vécu dans le désert à lécher les pierres, à manger des insectes dans une solitude écrasante, bannie.
Ses trois vies méritent d'être contées et c'est ainsi que ceux de ma tribu enterrent leurs mort.

Laurent Gaudé signe ici un de ses meilleurs textes, dépouillé comme ceux et celles dont il écrit l'existence mais d'une puissance remarquable.

Monocle - tournai - 64 ans - 14 septembre 2019