Educated by Initiative: The Effects of Direct Democracy on Citizens and Political Organizations in the American States
de Daniel A. Smith, Caroline Tolbert

critiqué par Elya, le 2 février 2019
(Savoie - 34 ans)


La note:  étoiles
Effets de la démocratie directe sur les citoyens
À l'heure où le référendum d'initiative citoyenne (RIC) est au coeur de nombreuses discussions en France, des rond-points ruraux jusqu'à l’hémicycle de l'assemblée nationale, il est de bon augure de se pencher sur ce que ce référendum entraîne chez les chanceuses et chanceux qui en bénéficient depuis plusieurs décennies. Des dizaines de pays dans le monde possèdent des RIC dans des modalités variables, mais les deux pays dans lesquels sa forme laisse le plus de pouvoir décisionnel à l'ensemble des électeurs et électrices sont sans contexte la Suisse et les États-Unis.

Cet ouvrage se propose justement de retracer brièvement la mise en place du RIC d'ampleur étatique (et non nationale) aux États-Unis, depuis les premiers débats entre progressistes et conservateurs à la fin XIXème. Surtout, il propose une synthèse des effets connus du RIC sur les attitudes et comportements des citoyen·nes et des organisations politiques, en recensant une bonne partie de la littérature en science politique sur le sujet. Les États-Unis sont un terrain d'étude très intéressant, car le RIC n'existe pas dans tous les États. Il est ainsi possible de comparer les populations d'États en disposant de ceux n'en disposant pas, ou ceux qui l'utilisent beaucoup à ceux qui l'utilisent peu, en contrôlant bien sûr que la différence constatée soit bien due au RIC et non à d'autres paramètres.

À la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle, des intellectuels états-uniens dissertaient sur les effets éducatifs de la démocratie directe sur les citoyens. Certains ainsi pensaient que la démocratie directe avait en plus d’un effet instrumental, permettant de pousser les représentants à être plus vigilants, ou de donner plus de droits politiques aux citoyens, que la démocratie directe avait des vertus éducatives positives. En impliquant directement les citoyens dans les débats sur les politiques publiques, les citoyens pourraient bénéficier des aspects pédagogiques du processus lui-même, ce qui, selon les réformateurs progressistes, pourrait accroître le taux de participation le jour des élections, améliorer l'engagement civique et les connaissances politiques des citoyens, et accroître leur compétence en politique. La démocratie directe pourrait même avoir une incidence positive sur la perception des citoyens à l'égard du système politique, tant pour ce qui est de la possibilité d’avoir du pouvoir décisionnel sur les décisions gouvernementales que pour ce qui est de considérer le gouvernement comme sensible aux intérêts de la population. Des contradicteurs doutaient cependant de ces vertus éducatives, arguant que les citoyens étaient trop absorbés à leurs entreprises privées pour porter leur attention sur les questions publiques.

Qu'en est-il des effets réels constatés, loin des spéculations théoriques du début du XXème siècle ?
Aux États-Unis, les citoyens vivant dans des États plus exposés aux initiatives disent plus discuter de politique avec leurs amis, se disent plus intéressés par les campagnes, et répondent mieux aux questions sur le positionnement et l’envergure des partis. Mais ces résultats ne sont pas toujours les mêmes selon les années d'enquête : il n'y a parfois pas de différence entre États avec et sans RIC. La participation électorale est également plus importante dans les États avec RIC ou l'utilisant plus souvent, surtout pour les élections de plus petite ampleur.

Les résultats des effets du RIC aux États-Unis sont extrêmement détaillés dans cet ouvrage et comparés à ceux d'études menées dans d'autres pays, bien que de manière non exhaustive.