C't'à ton tour, Laura Cadieux
de Michel Tremblay

critiqué par Cuné, le 12 juin 2004
( - 56 ans)


La note:  étoiles
Du joual et du bon !
Il y a d'abord une préface de Manon Gauthier, comédienne, qui pour avoir interprété sur scène Laura Cadieux sait nous en parler merveilleusement bien. Alors comme je ne veux pas la plagier, je résume succinctement : Laura Cadieux nous parle, nous raconte sa vie, ses copines, ses petits soucis, ses grands bonheurs, ses crises de rire. Elle est grosse et en souffre, et tous les semaines depuis 10 ans elle va chez le docteur pour soigner sa rétention d'eau. Là-bas elle retrouve ses consoeurs, et elles passent le temps ensemble en papotant.

Pfffff que j'ai mal raconté l'histoire. ça ne semble pas donner envie comme ça hein. Et pourtant si vous saviez ! Comme c'est truculent, drôle, triste aussi, émouvant.... Comme c'est la vie, tout simplement. Quant au joual, loin d'être un obstacle pour la Française que je suis ça a donné tout son charme à ce si sympathique personnage. A part 2 ou 3 mots ou trucs typiquement Québécois que je ne connais pas (comme Cherry Blossom) (mais vous voyez c'est vraiment des trucs très précis), j'ai absolument compris tout le reste, c'est tellement imagé, forcément on comprend . J'ai beaucoup gloussé en lisant ça, beaucoup lu à haute voix aussi comme on nous le recommande, en tentant pitoyablement (ya pas d'autre mot, si vous m'aviez entendue ) de prendre l'accent Québécois....
Tiens une phrase comme :"Les ciboires, de tabarnacs, d'hosties de saint-chrèmes, de chiennes sales de pisseuses, m'as toutes les tuer, calvaire ! Toute la maudite gang de trous de cuses !" Bon ben même si ce ne sont pas des mots que je connais, je comprends très bien que ce sont des insultes
Dans la même page, soudain, un truc qui vous tue, l'émotion à l'état brut :
"Non, reste, moman. J'pas capable de parler, là, mais j'vas te parler, tantôt.Tantôt, j'vas être capable... Reste. J'ai besoin de toé.
On est restés une bonne demie-heure, pis Madeleine s'est endormie. A l'avais trop pleuré, j'pense. Chus sortie sur le bout des pieds. J'avais le coeur tout croche. ça l'a été le plus beau moment de ma vie. Ah, oui."
Enfin, bref, j'ai aimé, beaucoup beaucoup aimé,
Truculent ! 10 étoiles

Un excellent "roman" sous forme de monologue tout en joual (patois de Montréal). C'est tout à la fois, drôle, émouvant, triste, réjouissant, ...
Ce livre se raccroche à la comédie humaine familiale que constitue l'ensemble de l'oeuvre de Michel Tremblay (que ce soit ses pièces de théâtre ou ses romans). Laura Cadieux est en effet une cousine germaine du père de l'auteur (on la découvre notamment jeune mariée dans "La grosse femme d'à-côté est enceinte").
Je viens d'assister il y a quelques jours à la représentation de la version théâtrale française (c'est à dire sans l'accent québécois qui risquerait pour un français comme moi de rendre l'ensemble trop difficile à suivre) de ce roman au festival d'Avignon off 2015 : un vrai régal avec cette comédienne (Cécile Magnet ) qui tient la scène toute seule magistralement pendant plus d'une heure et qui joue tous ces personnages différents (avec des timbres de voix différents pour chacun) pour notre plus grand plaisir !
Michel Tremblay est vraiment un auteur contemporain majeur.

JEANLEBLEU - Orange - 56 ans - 26 juillet 2015


La Parenté de l'auteur 8 étoiles

Long monologue très intéressant pour les Québécois. On voit notre mère, notre grand-mère ou une tante, mais en plus raffinées cependant. Michel Tremblay beurre épais pour l'effet mais comme moi il les imagine grosses. J'ai assisté au spectacle auquel fait allusion Cuné en introduction. Précisons que la comédienne, assez grosse, a appris par coeur ce monologue qu'elle a récité dans le bar d'un hôtel chic de Ste-Adèle dans les Laurentides. Il n'y avait pas de scène ni de décor.
Pour le vocabulaire, précisons que le cherry bossom est un gros chocolat fourré d'une cerise avec un jus sucré. Ma mère en raffole. C'est dire que Michel Tremblay va chercher sans se tromper ce qui plaisait à nos mères. "De chiennes sales de pisseuses, m'as toutes les tuer." Pour les "pisseuses", il faut savoir que ce sont des religieuses. Au Québec, elles en ont fait suer plus d'une dans les écoles fréquentées par nos mères. Il faut savoir que seuls les religieux enseignaient au Québec il y a 50 ans à l'exception des écoles de rangs (écoles situées le long d'une route éloignée des villages. Quand il y a 20 km entre chaque village, les enfants ne peuvent s'y rendre par grand froid. Donc, on construisait le long des routes des écoles fréquentées par peu d'élèves.)

Libris québécis - Montréal - 82 ans - 14 octobre 2004