La nuit des béguines
de Aline Kiner

critiqué par Marvic, le 13 janvier 2019
(Normandie - 65 ans)


La note:  étoiles
Paris 1310
Ysabel, herboriste à l’hôpital, finit sa tournée auprès des malades, des indigents, des vieillards. Quand à la porte du béguinage, est retrouvé un enfant recroquevillé, Ysabel l’accueille aussitôt, alors que sous sa coiffe, l’enfant révèle des cheveux roux, couleurs du diable. Il lui faudra du temps pour l’approcher et découvrir une toute jeune femme martyrisée.
Une jeune femme qui se remettra lentement mais qu’il lui sera pourtant impossible de laisser partir.

La vie était rude et risquée en 1310. Et plus dure encore pour les femmes. Mais le "bon roi" Louis avait autorisé la création de communautés de femmes, sortes de clergé laïc, les béguinages.
S’y retrouvent le plus souvent des veuves, accueillant des malades dans leur hôpital, apprenant à lire et à écrire aux plus jeunes, recueillant des miséreuses.
À travers les personnages d'Ysabel et de Maheut la rousse, Aline Kiner nous plonge au cœur de Paris, sous le règne de Philippe le Bel dans un roman historique passionnant tant y sont parfaitement décrits tous les aspects de la vie au Moyen-âge : la vie quotidienne, le différents métiers, la pratique de la médecine, l’Inquisition, les Templiers…
Les descriptions très sensorielles, bruits, couleurs, et surtout odeurs permettent au lecteur une représentation efficace, presque un plongeon virtuel dans les rues de la ville.
Avec pour fil conducteur les personnages attachants d’Ysabel l’herboriste, d'Ade la discrète, ou de Maheut La Rousse, j’ai découvert un roman passionnant et érudit.
Et je partage totalement le coup de coeur de la bibliothécaire.
Un roman historique de qualité 8 étoiles

Si Aline Kiner, férue d'histoire et en particulier de celle du Moyen-Age auquel elle avait consacré son premier ouvrage "Cathédrale, livre de pierre" a choisi de faire revivre cette communauté du grand béguinage de Paris, que l'on connait peu, elle a également opté pour se focaliser sur une période resserrée et précise de son existence (1310-1315) , celle qui précède juste la fin de cette institution assez atypique dans le contexte de l'époque.
Etait-ce une façon de donner toute sa force à un message qui pourrait être celui-ci ? gardons-nous de penser que les avancées obtenues dans la condition des femmes en termes d'indépendance et de liberté constituent des acquis irréversibles.

Comme le soulignait Isis, l'auteure s'est appuyée sur un très sérieux travail de documentation qu'elle a fait valider par des historiens reconnus. C'est loin d'être toujours le cas, nombre d'auteurs de romans "historiques" n'hésitant pas à prendre beaucoup de libertés avec la réalité. L'ouvrage fourmille d'informations avérées qui enrichissent notre culture sur cette période de fin de règne de Philippe Le Bel décrit comme une personnalité ambiguë partagée entre une soif de pouvoir et d'argent et un "mysticisme perverti", engagé dans des luttes de pouvoir avec l'Eglise d'une part, la noblesse d'autre part qui suit souvent ses propres lois. Nous sommes dans une période marquée par l'Inquisition, la persécution des Templiers. Tout cela est relaté sans jamais tomber dans une érudition rébarbative.

Le roman s'ouvre brillamment sur un évènement qui porte en lui tout le poids de la menace qui va désormais peser sur la communauté et faire basculer son destin: l'exécution de Marguerite de Porete, béguine authentique, brûlée en place de grève pour avoir osé , dans un livre, remettre en question la nécessité d'un clergé entre les croyants et leur dieu.
Avec un talent remarquable , l'auteure a su bâtir son intrigue romanesque de manière parfaitement imbriquée dans la réalité historique en créant des éléments fictifs qui seront autant de points de fragilisation propres à renforcer l'aboutissement de cette menace sur cette communauté et précipiter sa disparition en tant que telle (le manuscrit interdit sur lequel travaille Ade, la prise de risque en accueillant Maheut et sa liberté affichée...)

L'auteure a également réalisé un beau travail de restitution dans l'évocation du contexte autre que celui des évènements historiques: violence des moeurs, vitalité intellectuelle d'une capitale alors au centre de l'Europe... Le lecteur se retrouve propulsé dans le Paris d'antan: ses odeurs, la vie de ses rues, ses vieux métiers..et l'envie nous prend d'arpenter aujourd'hui ces quartiers sur les quelques rares traces qui pourraient subsister de l'époque notamment le quartier du Marais "construit tout près (des rives de la Seine) dans une ancienne boucle marécageuse" et dont j'avais oublié l'origine du nom.

Si je devais faire une petite réserve, je dirais que le roman aurait pu gagner en charge émotionnelle si l'on avait pu pénétrer plus avant dans l'intériorité des personnages que l'on abandonne un peu vite d'ailleurs à la fin de l'ouvrage mais ce n'était visiblement pas l'objectif poursuivi.

Myrco - village de l'Orne - 74 ans - 13 novembre 2020


Eprises de liberté 9 étoiles

J'ai eu grand plaisir à lire "La nuit des béguines". Hormis dans l'histoire de ces femmes pieuses, mais non nonnes, éprises d'indépendance, célibataires ou veuves, qui décident de vivre en communauté, de travailler pour subvenir à leurs besoins et d'aider d'autres femmes en difficultés, Aline Kiner nous plonge au XIVème siècle, sous le règne de Philippe Le Bel, et nous offre une belle leçon d'Histoire.

Nous découvrons Ysabel, herboriste, soigneuse, voire guérisseuse, qui ne ménage pas sa peine pour aider les malades qui lui sont confiées. Au-delà des soins prodigués, elle leur apporte écoute et assistance, tant morale que logistique, trouve des solutions à leurs situations précaires, C'est dans ce contexte qu'elle recueille Maheut, une jeune femme énigmatique, apeurée, qui ne se livre pas.

Les personnages entourés de secrets se succèdent, Ade, Humbert, Agnès, Clémence, Jeanne, tous ont autant de choses à cacher, enfouies au plus profond d'eux-mêmes. Par ces temps troublés, mieux vaut être discret et ne pas attirer l'attention. Le béguinage est en proie aux critiques, cette institution est menacée par les décisions pontificales, car elle dérange, en ce siècle d'Inquisition. Ces femmes indépendantes, cultivées pour nombre d'entre elles, maîtresses d'elles-mêmes, détonnent avec l'esprit du siècle.

Une écriture riche, un vocabulaire adapté qui nous incite à découvrir parfois les définitions de termes inconnus, une histoire plaisante, des faits historiques qui jalonnent l'ouvrage, et le récit de ces femmes qui ont lutté pour leur liberté si tôt, un bon livre en somme !

Nathafi - SAINT-SOUPLET - 57 ans - 16 mars 2020


Des femmes modernes ! 10 étoiles

Aline Kiner (1959- 2019) est une romancière et journaliste française.
Elle est l'autrice de plusieurs ouvrages, dont "La nuit des béguines" qui a reçu le prix Culture et Bibliothèques pour tous en 2018.

1310-1314 (Moyen-âge) au Grand Béguinage de Paris, une jeune femme rousse affaiblie, terrorisée et mutique se présente pour y trouver refuge. Ysabel l'accueille et la soigne. Elle découvre progressivement le passé douloureux et le caractère trempé de cette fille aux cheveux du diable (...)
Les temps changent, Philippe le Bel prône la rigueur religieuse et pourchasse les hérétiques. La menace plane sur les Béguines, femmes libres non mariées ou veuves, modernes et solidaires.
Jusqu'alors protégées par St Louis, les Béguines craignent pour la pérennité de l'institution laïque.

Un roman historique extraordinaire autour de femmes modernes, croyantes mais libres, refusant le mariage forcé et la dépendance aux hommes.
L'auteur mêle personnages réels (Marguerite Porete, brûlée en place de grève) et fictifs.
De courts chapitres qui rythment le roman.
Une page de l'histoire méconnue et passionnante.
Chapeau bas Mme Kiner !

Frunny - PARIS - 58 ans - 16 février 2020


Dans l’obscurantisme du Moyen-Age 8 étoiles

Le phénomène « béguines » ne m’était pas connu plus que ça. J’avais bien souvenir de visites de béguinages, je pense à celui de Bruges en particulier, mais sans que le concept de béguinage et de béguines se soit davantage imprimé. Aline Kiner, journaliste et apparemment spécialiste du Moyen-Age (hélas décédée début 2019), permet de comprendre et fixer les choses par le biais de ce roman historique qui mêle harmonieusement réalité historique et histoire romancée.
Les personnages d’Ysabel, Ade ou Maheut la Rousse n’ont certainement pas d’existence historique mais c’est grâce à eux, grâce à la vie romancée qu’Alice Kiner a su leur insuffler que le concept de « béguines » prend corps et devient vivant.

»… le grand béguinage de Paris. Fondé par Louis IX. Saint Louis.
En ce lieu, et dans les quartiers alentour, ont vécu durant près d’un siècle des femmes remarquables. Inclassables, insaisissables, elles refusaient le mariage comme le cloître. Elles priaient, travaillaient, étudiaient, circulaient dans la cité à leur guise, voyageaient et recevaient des amis, disposaient de leurs biens, pouvaient les transmettre à leurs sœurs. Indépendantes et libres. Une liberté que les femmes n’avaient pas connu jusque-là, et ne connaîtraient plus avant des siècles. »


Le roman attaque en Juin 1310, Philippe le Bel règne et les temps sont au rigorisme religieux. C’est l’époque où il ne fait pas bon être Templier, ni béguine bientôt. La rigidité religieuse du roi conjuguée à la faiblesse du Pape Clément V va dans le sens d’une brutale reprise en main de la chose catholique par le clergé « officiel » et orthodoxe au détriment des ordres qui ont pu se créer çà et là, en marge de la hiérarchie officielle. Sont donc brûlés vifs les Templiers, et Marguerite Porete, béguine de Valenciennes, condamnée pour hérésie pour avoir écrit « Le miroir des âmes simples » et dont le tort est d’inciter à l’amour, à l’amour de Dieu hors des « canaux officiels ».
Nous vivons cette époque de l’intérieur du béguinage de Paris via Ysabel, herboriste désabusée, Ade, jeune veuve de la noblesse qui n’a pu concevoir d’enfant qui se sont réfugiées là pour vivre une vie singulière pour l’époque. Le manuscrit sauvé du « Miroir des âmes simples » et confié à Ade pour traduction par Humbert, moine franciscain, va constituer la trame du drame. Car drame il y aura bien sûr. Comment peut-il en être autrement dans un tel contexte de religion exacerbée et intolérante ? Oui, nous avons connu nos radicaux nous aussi, et ils furent diablement sanguinaires …
Pas de pédanterie dans l’histoire déroulée par Aline Kiner. Une histoire romancée mais solidement étayée par la réalité historique. La nuit des béguines c’est une plongée dans l’obscurantisme du Moyen-Age vers des lueurs fragiles qui ont pu briller un temps, c’est une plongée dans notre histoire.

Tistou - - 67 ans - 18 janvier 2020


Les béguines 10 étoiles

Sujet complètement méconnu pour moi.
Ce livre nous plonge au cœur du 14ème siècle à la rencontre d’une communauté de femmes.
Elles ne sont ni moniales ni sous la domination d’un mari.
Cela se passe pendant une période trouble du règne austère de Philippe le Bel (Les Templiers…).
On sent bien que l’auteur a fait de nombreuses recherches historiques.
Cette lecture a été un véritable coup de cœur pour moi.
J’ai malheureusement appris le décès d’Aline Kiner.

Koudoux - SART - 59 ans - 15 décembre 2019


Respect pour ces dames. 7 étoiles

Les béguines, dans ce début mouvementé du XIVème siècle faisaient figure d'avant-gardistes. Pouvoir disposer librement de sa personne quand on est une femme semblait être un concept utopique. La femme n'était qu'un outil reproducteur soumise aux décisions de celui qui avait été choisi pour la gouverner.
La France sous Philippe le bel est en pleine déconfiture. Les guerres ruineuses, le train de vie fastueux de la noblesse, un clergé intrusif et divisé, l’inquisition... tout se ligue contre ces femmes, pieuses et droites certes mais manquant de guide. Cela dérange !
Sous l'aspect de la description de la condition de cette époque, le livre de Aline Kiner est parfaitement documenté et intéressant. Là où le bât blesse c'est dans la construction du roman (car l'auteure a choisi ce chemin pour véhiculer son message). L'histoire est franchement navrante : les acteurs manquent de ce quelque chose qui donne au lecteur la joie de communier avec eux, l’intrigue est brouillonne et il faut parfois se gratter la tête pour se remémorer qui est qui !
Dommage.
Je ne regrette cependant pas ma lecture qui m'a appris à comprendre ces femmes courageuses mais je ne suis pas parvenu à trouver la clef de l’histoire.

Monocle - tournai - 64 ans - 4 août 2019


Féministes, avant l’heure 10 étoiles

Un grand coup de cœur pour « La nuit des béguines » et un hommage sincère à Aline KINER, décédée prématurément le 7 janvier dernier qui, ici, réussit cette gageure de faire revivre comme si on y était, le béguinage royal de Paris dont l’existence est quasiment méconnue ; idem en ce qui concerne un manuscrit datant de cette époque, lui aussi pratiquement introuvable qui aura valu le bûcher Place de Grève en 1310 à Marguerite PORETE, une béguine de Valenciennes.

La romancière a donc dû faire des recherches très approfondies pour restituer cette sombre époque moyenâgeuse, celle des Templiers, avec une exactitude, légitimement saluée par les historiens et, notamment par Claude GAUVARD une médiéviste qui a participé avec elle à une table ronde, enregistrée sur You Tube en octobre 2017 « Les béguines, des femmes libres au Moyen Age ». Un compliment d’autant plus significatif que cette historienne avoue ne pas apprécier, en général, les romans historiques…

Or, dans le cas présent, les personnages que l’auteur a inventés permettent d’illustrer de façon concrète la vie quotidienne de ces femmes « affranchies de toute autorité masculine » comme l’a écrit, par ailleurs, Régine PERNOUD une référence incontournable au sujet du Moyen Age.

Ni épouses, ni nonnes, ces béguines étaient, certes pieuses, mais conservaient toute latitude pour travailler (comme Jeanne du Faut, décrite dans le roman, qui tient un commerce de mercerie-soierie et a réellement existé) ou exercer des fonctions plus intellectuelles, telle la traduction de textes religieux (comme Ade, une jeune veuve de 25 ans, personnage, cette fois fictif, qui occupe une place prédominante dans la présente intrigue.

Les deux autres héroïnes principales, la jeune Maheut et la vieille Ysabel campent, elles aussi, des personnages attachants et témoignent d’une qualité essentielle, requise des béguines, qu’elles vivent ou non en collectivité, à savoir une solidarité à toute épreuve, comme cette histoire le démontre.

Une œuvre érudite et passionnante qui instruit beaucoup le lecteur, tout en le divertissant et dévoile un portrait de la femme au Moyen Age, beaucoup plus moderne qu’on l’imagine a priori : des féministes avant l’heure, totalement libres devant l’Eternel.

Isis - Chaville - 79 ans - 22 mars 2019


plus une documentation 2 étoiles

L'auteure s'est très bien documentée : elle le précise ( au cas où l'on ne l'aurait pas compris en essayant de lire son histoire ) par sa bibliographie à la fin et par ses pages de description style catalogue.
Un bon démarrage, mais très vite, on s'ennuie et on se lasse, à cause de ces " énumérations" qui remplissent les pages et qui nuisent à l'histoire. les descriptions ne sont pas " des acteurs" comme dans les bons ouvrages. Elles ne donnent aucune émotion..
J'ai abandonné ce qui est très rare et dommage .
Du coup, je me suis acheté un essai sur les béguines pour comprendre ces dames, féministes avant l'heure.

PierreV - - 55 ans - 9 mars 2019