La Danse de l'ours
de Patrice Lessard

critiqué par Libris québécis, le 8 janvier 2019
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Braquer un bar
Avec ce roman, l’auteur de Louiseville retourne dans son patelin situé à 115 km à l’est de Montréal. Son héros, Patrick Tardif, pense ainsi échapper à la mafia, qui veut sa tête après avoir dépouillé des fourgons blindés de leur contenu monétaire. Mais il a oublié que les mafiosi sont des pieuvres munies de tentacules redoutables. Il se sent tout de même en sécurité dans sa petite ville en bordure du fleuve Saint-Laurent, où il évite d’attirer l’attention sur sa personne.

Dave, un Magoua d’une tribu de la région, fut déjà son complice. Après l’avoir repéré, il s’empresse de l’enfirouaper (manipuler) pour qu’il se joigne à lui afin de braquer le Flamingo, un bar miteux de Louiseville. Le festival annuel de la galette de sarrasin représente l’occasion rêvée de préparer ce coup fumeux, d’autant plus qu’une femme autochtone est l’une des barmaids de l’établissement. Elle pourrait observer les us et coutumes du lieu afin de déterminer l’instant précis de leur brigandage. Difficile de refuser cette proposition quand on est amoureux de la serveuse, sans compter que Dave pourrait informer la mafia de son repaire. Le héros accepte à reculons de se porter volontaire pour ce projet criminel risqué. La complicité des deux hommes est presque impossible. Patrick est méticuleux et le Magoua agit sur le coup de l‘impulsion. Tout de même, ils réussissent à mettre au point un modus operandi. Le trio parviendra-t-il à ses fins ? Le suspense est bien mené. La réponse à la question ne sera connue qu’à la dernière phrase de l’œuvre.

Patrice Lessard profite de son roman noir pour profiler le caractère social de Louiseville, jadis un bourg prospère tombé en désuétude. Les familiers de l’endroit verront que la fiction laisse ses droits, sans nuire à la trame, au profit des mœurs d’un bled qui se meurt. Et ce n’est pas la danse de l’ours des Magouas qui le guérira. La ville est bien assortie au projet littéraire de l’auteur. Un roman tordu dans une ville perdue.

C’est l’envers du polar. On voit l’action à partir des malfrats qui opèrent en deçà des normes policières. L’auteur n’entrevoit que la réussite ou l’échec de la mise en œuvre du braquage. Avec une plume alerte qui ne manque jamais de souffle, il suit ses protagonistes au pas de course. On pourrait mettre les bémols aux dialogues qui ne se distinguent pas du discours narratif. Tout est pris dans un pain, mêlant la langue populaire au subjonctif imparfait qui exige de dérouler la trame dans l’axe pompeux du passé. Ça ressemble à un bal costumé d’une surprise-partie rave.