Le fascisme italien, 1919-1945
de Serge Berstein, Pierre Milza

critiqué par Veneziano, le 20 juillet 2024
(Paris - 47 ans)


La note:  étoiles
Du parti contestataire à l'Etat totalitaire
Intriguant par sa durée et son fonctionnement, le fascisme italien mérite bien un livre pour démêler son histoire. Le vote protestataire italien est né des désillusions de la Première guerre mondiale et des déceptions en termes de récompenses territoriales. Là où le nationalisme a échoué dans sa conquête du pouvoir, le fascisme de Mussolini finit par triompher, car il s'avère attrape-tout, lui-même venant de la gauche. Le parti contestataire finit par mettre en place progressivement un Etat totalitaire qui s'occupe de tout, instaure une économie dirigée, le contrôle de l'information, une politique colonisatrice. Et tout cela relève du paradoxe, car le nouveau régime est fondamentalement impréparé sur les plans économique et militaire.
Ce livre expose de manière claire et exhaustive un phénomène complexe et durable, à méditer. Les auteurs sont des universitaires et historiens réputés.
Une révolution politique 7 étoiles

La Troisième voie qu'ont initiée Benito Mussolini et ses fidèles lieutenants entre 1919 et 1945 était novatrice, porteuse d'espoir d'une grande majorité d'Italiens pour s'achever dans une tragédie et une sorte de pantalonnade née des circonstances que l'Italie, laboratoire du fascisme, a traversées.
Serge Berstein et Pierre Milza dans cet essai qui est ancien désormais (1970), examinent de façon exhaustive ce phénomène politique original des débuts (1921-1927) à la prise de pouvoir (1927-1940) jusqu'à la chute du régime (1940-1943). Né d'une crise multidimensionnelle, le fascisme s'est nourri des problèmes structurels de la péninsule tels que la répartition des terres ou des fractures territoriales mais également des circonstances nées de la fin de la Première Guerre Mondiale. Les revendications de l'Italie, vainqueur du conflit avec l'Angleterre et la France, ne sont pas accordées, les traités de paix ne lui sont pas favorables, donnant naissance à un sentiment d'injustice et à des courants révisionnistes au sein du corps politique italien. Gabriele d'Annunzio est à ce titre un exemple significatif par la création de la République de Fiume, entreprise au cours de laquelle il s'empare avec ses partisans de cette ville sur la côte de l'Adriatique.
Mussolini se dresse à la fois contre le capitalisme et le communisme mais doit bientôt composer avec le grand capital pour surmonter les difficultés économiques. Il obtient quelques succès notables dans les domaines diplomatiques (arbitre des tensions en Europe, rapprochement avec le Vatican- Accords du Latran) ou agricoles et il parvient à maintenir une économie viable malgré des décisions peu pertinentes (une politique monétaire irréaliste par exemple).
Mussolini, emporté par son orgueil, décide de se lancer dans l'aventure coloniale à contre-courant et envahit l'Ethiopie (1934) se plaçant au ban de la Société des Nations qui lui impose de dures sanctions économiques. Bientôt, en vue d'exporter" son modèle, il soutien les régimes profascistes comme celui en Angleterre d'Oswald Mosley ou la Phalange espagnole de José Antonio Primo de Rivera. L'Espagne, pays dans lequel il jette ses Chemises Noires pour appuyer la révolution nationale de Franco.
De plus en plus lié à l'Allemagne nazie, le régime fasciste est bientôt entraîné dans la guerre et dès lors, ne pouvant répondre aux efforts imposés par les combats, travaillé par l'antifascisme qui croit depuis la fin des années 30, va subitement s'effondrer en 1943. Mussolini, pressé par Hitler, tentera de se rétablir dans le nord du pays avec sa République Sociale Italienne en revenant à l'esprit originel du mouvement mais sa fin, pendu par les pieds sur une place de Milan, montre que son temps était vraiment révolu.
Berstein et Milza donnent un livre exhaustif, partial et académique dans sa construction. En effet, ils déroulent les thèmes (économie, diplomatie, culture,...) de façon linéaire sans chercher à les mettre en regard l'un de l'autre, l'approche exhaustive de la démarche est cependant à souligner et le lecteur tire un grand bénéfice de sa lecture. Les auteurs m'ont semblé partiaux car j'ai cru déceler quelques jugements de valeur, le chapitre sur l'antifascisme est à ce titre assez évocateur.

Vince92 - Zürich - 47 ans - 1 juillet 2025