Horlà 2.0
de Serge Annequin

critiqué par Pucksimberg, le 27 décembre 2018
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Une relecture intelligente et métaphorique du Horla de Maupassant
Encore une énième version du « Horla » de Maupassant ? Cet album est bien plus que cela. Le narrateur se prénomme K et a une tête de lapin. Il travaille dans le domaine informatique et doit corriger des erreurs de codage. Plus le temps passe, comme le narrateur de la nouvelle de Maupassant, plus il sent une présence chez lui. De l’eau a été bue, il a senti le poids d’une entité sur lui …

Cette relecture est jouissive car le lecteur retrouve des éléments du texte du XIXème siècle tout en découvrant une réécriture intéressante de cette histoire. Une simple adaptation serait ennuyeuse. L’artiste s’inspire et adapte une œuvre à son époque. Cette nouvelle version est très plaisante et contient de nombreuses références intertextuelles. Ce K peut rappeler le personnage d’un roman célèbre de Kafka, celui du « Procès », texte qui s’ouvre sur le réveil du personnage principal dans sa chambre. C’est le cas ici aussi. Comme tout est au moins double dans cet album, K rappelle aussi Gregor Samsa dans « La Métamorphose » du même auteur qui se réveille lui aussi au début du texte transformé en cafard sans que cela ne le choque véritablement. Ici personne ne semble choqué de croiser dans la rue un être avec une tête de lapin. Et puis il y a ce navire dans la BD qui porte le nom d’un roman de Maupassant. Dans « Le Horla » il est question aussi d’un bateau à un moment. Et puis on surnomme K par la suite « Le passe-muraille » et là c’est le texte de Marcel Aymé qui fait une intrusion dans cet album. Et puis il y a ce renard domestiqué qui n’est pas sans rappeler le texte le plus poétique de Saint-Exupéry … Toutes ces références enrichissent la lecture et superposent les allusions.

La métaphore informatique et mathématique est bien menée et permet de revisiter le texte de Maupassant en proposant une métaphore moderne et intéressante. Cette idée véhiculée peut séduire le lecteur et invite à regarder le monde différemment. Au fantastique s’entremêle la poésie de certaines scènes, de certains décors qui stimulent l’imagination. Au moment où je me disais que les paysages me rappelaient Sète, Serge Annequin évoque le fait que ce cadre pourrait rappeler cette ville. Le réel et la fiction semblent se mélanger comme pour nous faire perdre certains repères. Et pourtant cet univers parlera au plus grand nombre et nous interroge sur notre perception du réel et sur notre rapport au temps. La proposition que fait l’artiste est optimiste et plaisante.

J’ai découvert avec un grand plaisir cette réécriture du « Horla ». Tout en restant fidèle à l’esprit de la nouvelle, elle en propose métaphoriquement une autre lecture. Les dessins sont agréables et permettent facilement de se projeter. Une belle découverte !