De profundis
de Emmanuelle Pirotte

critiqué par Fanou03, le 21 janvier 2019
(* - 48 ans)


La note:  étoiles
Ebola à Bruxelles
Dans le genre post-apocalyptique, voilà un roman qui, s’il ne renouvelle sûrement pas le genre en la matière, sait par contre mêler habilement ses codes pour donner un divertissement fort agréable, malgré les quelques bémols que je lui ferais. Les amateurs de ce type de littérature ne devraient donc pas être pas surpris par le synopsis : dans un futur (très) proche, l’humanité est en proie à une épidémie mondiale due à une mutation du virus Ebola. Les métropoles, particulièrement touchées par le chaos et la violence, se vident de leurs habitants qui tombent comme des mouches ou bien fuient les cités pour essayer de trouver refuge dans les campagnes. Roxanne, elle, n’avait pas du tout envie de fuir Bruxelles, car elle arrive à survivre par de petits trafics et semble même prendre un certain plaisir à narguer la mort omniprésente. Tout change quand elle doit prendre en charge sa fille Stella, dont le père, qui en avait la garde, succombe à l’épidémie. À son corps défendant, elle décide de se rendre dans sa maison de famille au fin du fond du Hainaut pour échapper aux dangers qui guettent l'enfant à la ville.

Je dois dire tout d’abord que le fait que l’action se passe en Belgique est très rafraîchissant : cela nous change pour une fois des univers parisien, new-yorkais ou californien. En l’espèce Bruxelles se révèle très photogénique en métropole en proie à l’anarchie et à l’épidémie. Même si le tableau que nous en brosse l’auteure est assez classique, il est saisissant, nerveux et tendu. L’ambiance de délinquance et de jungle urbaine est ainsi très bien rendue. C’est vrai aussi pour d’autres passages du livre qui, bien que parfois brutaux ou presque excessifs (le passage avec les Hells Angels notamment !) ne dénotent pas dans l’ambiance de fin du monde, bien au contraire ! Certains éléments m’ont par contre moins convaincu, comme l’élément fantastique (qui fait pourtant une grande part de l’originalité du livre) qui n’a pas été sans me rappeler désagréablement un certain roman de Marc Lévy, ou bien encore la famille de paysan psychologiquement perturbé, un peu caricatural à mon goût.

L’évolution de Roxanne, le personnage principal, est quant à lui particulièrement intéressante. Femme combattante à la ville où elle se coule sans trop de mal, semble-t-il dans le cahot ambiant, avec un certain détachement, voir du cynisme, elle se retrouve complètement abattue dans un milieu rural où de toute évidence elle n’a pas du tout ses repères, ni sa place. Il est à noter que ses relations complexes de Roxanne avec sa fille font écho pour moi au précédent roman d’Emmanuelle Pirotte, Today we live, où un motif similaire structurait déjà le récit.

Voilà donc un roman de la littérature générale échappé en quelque sorte de la littérature de genre. Le résultat est plutôt curieux, un peu hétéroclite, et baroque, mais fort entraînant : il frustrera peut-être c’est sûr l’amateur averti mais reste pour les autres, et tout en recyclant les figures obligées des récits post-apocalyptiques, construit de manière personnelle et très efficace.
Les Fleurs du Mal ! 9 étoiles

Emmanuelle Pirotte (1968- ) est une historienne, scénariste et romancière belge.
"De profundis" parait en 2016 Le Cherche midi.

Roman d'anticipation dont l'action se déroule dans un futur proche à Bruxelles.
Une pandémie (Ebola 3) dévaste l'Europe, le fanatisme religieux prend le pouvoir, la guerre civile fait rage.. un univers à la "Mad Max" où débrouille et violence permettent de rester en vie.
Roxanne, jeune femme désabusée, résignée, survit en vendant des médicaments de contrefaçon censés guérir le mal.
La mort de son ex-mari à qui elle avait abandonné sa fille à la naissance vient rebattre les cartes.
Elle va devoir assumer son rôle de mère, apprendre à connaitre et protéger Stella, enfant mutique.
Pour ce faire, Roxanne décide de quitter Bruxelles, direction Saint-Fontaine, village perdu dans la campagne où Roxanne a passé son enfance.
Commence alors une seconde histoire où le Fantastique émerge et devient le personnage principal.

Un roman construit en 2 parties distinctes. Violences urbaines et chaos latents à Bruxelles, calme apparent, souvenirs et rédemption dans la maison de Campagne .
Une dystopie crédible, une belle étude sociologique, un roman intelligent.
J'avoue avoir été séduit par ce roman qui nous laisse entrevoir un futur sombre.
Très beau moment de lecture !

Frunny - PARIS - 58 ans - 6 mai 2019


A cheval sur l’anticipation et le fantastique 7 étoiles

Pas franchement un pur roman d’anticipation, pas non plus totalement fantastique. « De profundis » est un roman qui a les pieds solidement plantés dans la terre belge (Emmanuelle Pirotte est belge) mais qui s’autorise une virée quasi fantastique.
De l’anticipation, il en a la caractéristique avec le ton délibérément désespéré dès les premières pages (l’anticipation n’est jamais rose !) :

« On tambourinait à la porte. Des coups accompagnés de cris : « Roxy, Roxy, ouvre, bordel ! »
…/…
Merde, il était quand même pas déjà l’heure ? Des coups de fusil avaient déchiré le silence relatif de la nuit. Après ça, plus moyen de dormir. Peu après que les cloches de Notre-Dame-de-le-Chapelle eurent sonné neuf heures, Roxanne avait enfin sombré dans une sorte de coma, de torpeur épaisse et sombre comme de la mélasse. Elle en était sortie toute gluante d’images et de sensations dont elle savait qu’elles viendraient la visiter pendant la journée. Il était question d’un bébé qu’elle avait vu abandonné trois jours plus tôt dans la rue aux Laines, de frites trop grasses, de la serrure de son appartement qu’il fallait faire changer, et d’un besoin cruel d’alcool sec. »

Et du fantastique, il y rentre de plain-pied dans le milieu du roman, à partir du moment où Roxanne se décide à quitter Bruxelles pour se réfugier dans la maison de famille, perdue au fin fond de la cambrousse, au milieu de nulle part, pour mettre en sécurité sa fille Stella dont elle vient d’être chargée.
C’est qu’en Europe, en Belgique du moins et à Bruxelles en particulier sévit un virus Ebola, causant des ravages et déstructurant toute vie sociale. Vivre s’est transmuté en « survivre ». Roxanne, pas mal désocialisée déjà, semble en faire son affaire et en profite pour se livrer à divers minables trafics. Mais voilà qu’on l’avise que le père de sa fille, dont elle était séparée et sans nouvelles, va mourir et qu’il souhaite lui remettre Stella, petite fille de huit ans.
Après avoir accepté, il devient vite évident pour Roxanne avec l’assassinat de sa voisine qu’elle ne peut plus rester en sécurité à Bruxelles avec Stella. D’où la décision de gagner la maison familiale, vide, à Saint-Fontaine, entre Namur et Liège. Comme nous sommes dans un roman genre « post-apocalyptique », bien entendu il va se passer beaucoup de choses désagréables mais donc, Emmanuelle Pirotte fait intervenir alors un élément du domaine fantastique …
Ca en fait un roman un peu inclassable, mi-chèvre mi-chou, pas désagréable à lire, loin de là, mais on en sort un peu déboussolé.

Tistou - - 67 ans - 11 mars 2019


Prenant ! 8 étoiles

Notre "Fin du Monde", telle qu'elle pourrait se passer ! Virus Ebola, nouvelle Peste noire, cataclysmes, panique, trafics en tout genre, puis fin de la Société, retour à un Moyen Age sans espoir.
Au-delà de ce scénario perturbant, des personnages attachants. Pas vraiment de héros d'ailleurs. Roxanne, mère indigne mais tellement Mère ...
Stella, enfant perturbée, insensible en apparence, mais tellement mature, intuitive ...
Et cet autre héros inattendu, venu d'un passé lointain qui apporte une touche originale à ce roman apocalyptique.

Un vrai régal !

Bebern - - 64 ans - 19 février 2019