Mythes romains
de Jane Gardner

critiqué par Numanuma, le 21 août 2018
(Tours - 50 ans)


La note:  étoiles
Sont (pas fous) ces romains !
Selon l'auteur, Jane F. Gardner, les Romains ont une liaison particulière avec les mythes, une liaison qui diffère grandement de celle des Grecs. En effet, ces derniers entretiennent des relations privilégiées avec leurs dieux, des relations quasiment intimes. Zeus et les membres de l'Olympe s'incarnent régulièrement sous une forme ou une autre pour interagir avec les humains.

Chez les Romains, les mythes n'en sont pas. Ils ne considèrent pas les mythes comme des fictions mais comme l'histoire du peuple romain. Cela est d'autant plus intéressant que le terme « mythe » vient, en français, du bas latin mythos, qui désigne une fable, un récit fabuleux. C'est un emprunt au grec muthos qui signifie d'abord « suite de paroles qui ont un sens ». Le terme se spécialise ensuite avec le sens de « fiction, sujet d'une tragédie ». Ainsi, selon l'étymologie ci-dessus, issue du Dictionnaire historique de la langue française d'Alain Rey, les romains utilisent le sens de muthos.

Les mythes romains sont largement tributaires des mythes grecs. Asseoir la légitimité des mythes romains, les hisser au niveau de ceux des grecs, nécessite un effort de distinction. Cicéron fait établir à l'un des interlocuteurs de son dialogue philosophique De la nature des dieux une distinction entre le mythe grec et le mythe romain. Pour les premiers, les mythes sont principalement liés aux dieux. Alors que les mythes romains expriment principalement l'idée que les romains se font de la religion, laquelle comprend le rituel, la prise d'auspices et les prophéties.

C'est-à-dire que les récits sur les dieux ne revêtent aucune importance pour les romains alors que la religion a pour fonction de maintenir des rapports, et non des relations, stables entre les divinités et l'Etat. Plus simplement, l'important est, pour Rome, de s'assurer de la faveur des dieux grâce à une liturgie précise et codifiée plutôt que de savoir qui sont les dieux, à quoi ils ressemblent ou d'où ils viennent et où ils vivent.

L'exemple de Romulus et Remus est très parlant : les jumeaux élevés par la louve qui orne la couverture du bouquin, les livres d'histoire et les cartes postales des marchands de souvenirs de la ville éternelle, se querellent pour savoir qui sera le fondateur de la future cité. Romulus monte sur le Palatin et Remus sur l'Aventin. Ils attendent un augure. Remus voit 6 vautours. Romulus en voit 12 mais après son frère. Les partisans du premier invoquent la priorité de l'augure. Les partisans du second font valoir la supériorité du nombre 12. Les deux frères en viennent à se battre et Remus meurt.

Ceci n'est qu'une version parmi d'autres de la fondation de la ville mais elle met en avant le rôle fondamental du signe divin qui favorise l'homme choisi, et au-delà, la ville et l'Etat. Signalons en passant que ce même genre de signes se trouve déjà dans l'épopée de Gilgamesh, datée de 2300 avant JC.

Malgré ce besoin de se libérer de l'influence grecque, et de l'admiration que les romains leur portent, les mythes romains sont souvent reliés aux mythes grecs. La fondation de Rome par les jumeaux est très connue mais il existe une autre version qui met en scène un héros troyen, Enée. Le lien avec Homère et la Grèce antique est évident. Les rois de France useront du même système de généalogie largement mythifiée permettant de faire remonter leurs familles aux peuples grecs ou romains, voire à des compagnons de Jésus !

On l'aura compris, les amateurs de récits pleins de monstres et de héros légendaires peuvent passer leur chemin. Pour les autres, il y a matière à réflexion. Ce que tente de démontrer l'auteur, c'est que l'utilisation des mythes par les Romains relève de la propagande au service d'une vision : Rome est destinée par les dieux à diriger le monde. Le monde, je ne sais pas, mais l'empire romain a plutôt bien prospéré même si un certain village gaulois a résisté à l'envahisseur à grands coups de potion magique:)