Notre poison quotidien
de Marie-Monique Robin

critiqué par Colen8, le 18 août 2018
( - 82 ans)


La note:  étoiles
Bénéfices aux empoisonneurs, risques aux consommateurs
Très vite après-guerre les conséquences sanitaires d’un usage intensif du DDT dans le monde pour combattre les moustiques dont ceux véhiculant le paludisme ont conduit les autorités à s’interroger avant de finir par l’interdire dans l’agriculture. Qu’à cela ne tienne ! L’industrie chimique a sorti depuis des produits hautement toxiques nommés par euphémisme phytosanitaires c.à.d. « de santé végétale ». Sous couvert de soutien à l’agro-industrie ces mêmes autorités ont laissé contaminer faunes et flores à la petite semaine. A l’extrémité de la chaîne on retrouve leur présence ajoutée à celle des additifs alimentaires dans les assiettes en oubliant qu’ils ont au passage rendus malades des millions d’agriculteurs. Loin d’être éliminées par l’organisme des molécules(1) s’incrustent et s’accumulent dans les tissus adipeux où elles déclenchent des années plus tard ces pathologies graves d’apparition récente pour certaines et reconnues comme épidémies de civilisation : cancers, leucémies, maladies auto-immunes, neurodégénératives, pulmonaires etc.
Les conclusions maintes fois reprises depuis la publication de cette enquête(2) approfondie, courageuse, minutieuse et rigoureuse sont affligeantes à plus d’un titre. Rien ou à peu près n’a changé au vu du débat actuel sur le délai à courir avant l’interdiction complète du glyphosate. Par contre les preuves se sont multipliées des effets neurotoxiques et cancérigènes, des perturbations endocriniennes et reproductives causés par des centaines de produits encore en vente libre ou presque, utilisés sans protection efficace. Malgré leur dangerosité déclarée dès l’entre-deux guerres les décisions d’interdiction ou les normes réglementaires contraignantes(3) telles la dose journalière acceptable (DJA), la limite maximale de résidus (LMR) sur leur emploi ont été freinées voire annulées par l’obstruction stratégique des industriels du pétrole, de la chimie, de l’agrobusiness, suivant en cela les méthodes ouvertes par les cigarettiers. Ils se sont concertés pour dénigrer les auteurs d’études défavorables à leurs produits au moyen de contre-études biaisées ou même truquées faites par d’éminents scientifiques et universitaires à leur solde concluant par l’absence de preuve, à défaut en insinuant l’existence d’un doute.
Les études de cas qui dénoncent l’aspartame (E951 édulcorant de synthèse) comme neurotoxique et cancérigène, les perturbateurs endocriniens principalement distilbène, bisphénol A, PCB pour leur action tératogène sur le fœtus illustrent on ne peut mieux la démission des autorités politiques et réglementaires, leur collusion avec l’industrie sous couvert de progrès technologique. Résultat : un désastre sanitaire et environnemental pour partie irréversible quand des mutations induites sur les cellules germinales se transmettent aux générations suivantes.
(1) Quelque 100 000 de ces molécules chimiques de synthèse potentiellement toxiques ont ainsi été répandues sans précaution dans l’environnement depuis l’après-guerre, contenant du benzène, de la dioxine, des organochlorés et organophosphorés, des phtalates …
(2) Enquête réalisée en 2009-2010 dans 10 pays : France, Europe, Amériques du Nord et du Sud, Inde, étayée par la compilation d’archives notamment celles d’études épidémiologiques et de procédures judiciaires, par plusieurs dizaines d’interviews filmées de victimes, de chercheurs, chimistes, biologistes, toxicologues, de médecins neurologues et cancérologues principalement, de coopératives, d’agences d’évaluation de produits chimique, de sécurité alimentaire et sanitaire. Les industriels refusent de fournir les données de tests toxicologiques sous couvert de confidentialité.
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(3) Même quand ou surtout si les chiffres adoptés relèvent plus souvent de la boule de cristal et de l’empirisme sans validation scientifique possible, sans mesure sur le long terme, sans prise en compte des interactions conjuguées de ces produits que l’on désigne par effet cocktail, ni de l’action des perturbateurs endocriniens à des doses infinitésimales très en dessous des DJA et LMR.