La Montagne rouge
de Olivier Truc

critiqué par Kostog, le 3 août 2018
( - 51 ans)


La note:  étoiles
Lapons contre forestiers
Suède centrale : la découverte d'ossements humains est un nouvel épisode dans le conflit séculaire qui oppose éleveurs de rennes samis et forestiers suédois. Dans ces confins montagneux et forestiers, la « police des rennes », une jeune femme et un homme lui aussi d'origine samie, est chargée de l'enquête. La détermination de l'appartenance des ossements est un élément clé dans le procès entre éleveurs et bûcherons afin de savoir qui, des deux communautés, a la première occupé ces terres ingrates. Nous suivons le chef sami, Petrus Eriksson, à qui revient la tâche ardue de prouver que ses ancêtres nomades étaient bien les premiers sur ces terres. L'enquête se complique par la découverte d'un trafic d'ossements organisé par un antiquaire antipathique de la ville la plus proche, maillon d'un réseau de collectionneurs un peu détraqués. Le travail des deux policiers nous fait encore découvrir la politique de stérilisation forcée menée par l'État suédois jusque dans les années 1970.

C'est sans doute la figure de Petrus Eriksson qui est la plus attachante parmi celles des différents protagonistes de ce roman d'Olivier Truc. Sa lutte, non exempte de doutes, pour sauvegarder la tradition de l'élevage des rennes, le lien qui l'unit à une nature rude et sans concession sont, de mon point de vue, parmi les moments les plus réussis de cet ouvrage. On regrette d'ailleurs que les forestiers qui, bien que présentés de manière non manichéenne, n'aient pas un protagoniste pour lequel nous aurions autant d'empathie. Cela aurait rendu ce drame entre acteurs de deux communautés, chacune convaincue de son bon droit, encore plus vivant.

L'enquête, elle, est décevante, les deux policiers sans relief, et l'histoire après s'être étirée sur une bonne centaine de pages de trop finit de manière assez incongrue et peu vraisemblable pour plusieurs protagonistes, dont notamment l'antiquaire acariâtre. Si certains éléments du récit auraient pu être développés de manière moins superficielle, je pense en particulier aux conséquence psychologiques personnelles de la politique de stérilisation forcée menée par l'État suédois au nom, bien entendu, des meilleurs idéaux sociaux, d'autres tels que la craniométrie et ses soi-disantes dérives m'ont semblé davantage une faiblesse journalistique tirant le récit vers le clinquant plutôt qu'un ressort utile de l'action. D'autant plus qu'il n'est rien de plus agaçant que la supériorité morale a posteriori et la condamnation anachronique qui accompagnent ce type de thème.

Les lecteurs-voyageurs, dont je suis, apprécieront les aperçus de la nature suédoise et de la culture samie. Ceux qui cherchent avant tout une enquête policière dans un cadre original seront déçus par une intrigue qui s'enlise et le flop de la conclusion. Deux étoiles et demi pour tenir compte des avis de mes proches qui n'ont « pas passé un mauvais moment ».
Troisième épisode de la « Police des Rennes » 5 étoiles

Après les très bons Le dernier lapon et Le détroit du loup, mettant en scène une police spécifique consacrée à la Laponie, le territoire des Samis, transfrontalier entre Norvège, Suède et Finlande, qu’on appellera « la Police des Rennes », Olivier Truc remet le couvert avec nos deux policiers héros ; Klemet (le Sami) et Nina (l’urbaine, enfin urbaine, c’est relatif dans cette zone !).
Disons d’emblée que cet épisode est moins réussi, plus laborieux. Moins ouvert sur la sauvagerie de la nature lapone et plus concentré sur de l’anthropologie, genre anthropologie appliquée à l’étude des cranes pour déterminer l’origine et les caractéristiques d’une population, faisant référence à une dérive qui existât en Suède au XXème siècle, du début du siècle à l’après-guerre dans le domaine de l’anthropologie raciale, et qui trouvât un semblant de résonnance dans les théories nazies.
Soyons juste, il est question aussi du conflit territorial opposant les Samis, éleveurs nomades de rennes, qui vont de pâturages en pâturages (de lichens !) selon l’avancée des saisons, et les forestiers qui pratiquent des coupes sévères dans le cadre des exploitations forestières et qui détruisent des zones de pâturage. C’est bien connu : « le monde est trop petit, ma pov’dame », surtout quand la population et ses besoins ne cessent de croître. C’est ainsi que Petrus Eriksson, le représentant des Samis dans un procès en cours à Stockholm qui pourrait faire jurisprudence dans ce conflit nomades/sédentaires, est un personnage central du roman. Au détriment de nos deux comparses, Klemet et Nina, et aux côtés d’autres personnages, importants, qui vont du grotesque (l’octogénaire Justina et ses deux copines, organisatrices de bingos) à l’improbable (Bertil l’antiquaire).
Des ossements – et notamment un crâne – ont disparu, qui pourraient être d’une aide précieuse dans la détermination de l’antériorité de la présence samie dans la zone concernée. L’enquête de Klemet et Nina va être centrée là-dessus.
On a un peu de mal à se passionner pour tout ceci, même si, in fine, Olivier Truc parvient à tout relier ; les fofolles du bingo, l’antiquaire, les Samis, les forestiers, … Mais bon, c’est laborieux.
Clairement le moins bon des trois premiers épisodes de la « Police des Rennes ». J’écris « trois premiers » car, contre toute attente (Nina annonce à Klemet à la fin du roman sa décision de quitter la « Police des Rennes »), il semblerait que Les chiens de Pasvik soit un quatrième épisode ? A vérifier. Mais si vous vous intéressez à la Laponie et la culture samie, les deux premiers épisodes sont précieux.

Tistou - - 67 ans - 21 mars 2022