Joseph Lebeau
de Carlo Bronne

critiqué par Alceste, le 22 juillet 2018
(Liège - 62 ans)


La note:  étoiles
Dans le sillage d'un des Pères de l'Etat belge
La mythique collection « Notre passé », à la Renaissance du livre, proposait, sous sa jolie couverture aux couleurs nationales, de rendre aux Belges leur histoire, au sens large, en valorisant des hauts faits et des personnages qui risquaient de tomber aux oubliettes.
Parmi ceux-ci, Joseph Lebeau (1794 – 1865) , héros de la ville de Huy, dont on ne connaîtra peut-être aujourd’hui qu’une statue dans sa ville natale, une autre avenue de Tervuren, qui laissent le passant indifférent, ou une rue à Liège, opportunément parallèle à la rue Devaux , toutes deux adjacentes à l’avenue Rogier. C’est que ces trois noms, Lebeau, Devaux, Rogier, sont ceux des « Pères » de la Belgique, si du moins le nom de « père » convient à cette « étonnante génération qui allait fonder un État à l’âge où l’on fonde des cercles ou des journaux estudiantins » (Carlo Bronne). Sous le règne détesté de Guillaume d’Orange, imposé par le Congrès de Vienne, ils créent un journal, le « Mathieu Laensberg », brûlot contre son pouvoir despotique sous des dehors libéraux.
Aux temps agités de la Révolution de 1830, ils sont aux premières loges en contribuant à la rédaction de la première Constitution, et Joseph Lebeau, en particulier, par la puissance, apparemment , de son éloquence, jouera un rôle décisif à des moments-clés de la naissance, plus mouvementée qu’on ne l’imagine de nos jours, de l’État belge.
Ainsi, une fois acquis, après moult débats tendus, le principe d’une monarchie constitutionnelle, fallait-il se mettre d’accord sur le choix d’une personnalité. On a peine à réaliser les longs mois de tergiversations pour trouver et convaincre le bon candidat. Lebeau s’est ainsi livré à des missions auprès notamment du Prince de Ligne, du Duc de Nemours, du Comte de Merode, les candidatures de Chateaubriand ou du Pape ayant même été évoquées , mais c’est en ralliant le Congrès, au cours d’une harangue mémorable, autour de la personne du prince Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha, malgré les conditions indignes imposées par l’Angleterre, qu’il acquiert son aura de grand homme d’Etat.
Quelques mois plus tard, des circonstances dramatiques l’amènent à nouveau à se distinguer : en pleine Joyeuse Entrée de Léopold Ier à Liège, les Hollandais lancent une offensive à la frontière pour rétablir Guillaume d’Orange en Belgique. Le Roi envisage l’aide de l’armée française, et s’en ouvre à Lebeau car il ne peut faire appel, selon la Constitution, à une armée étrangère sans le consentement des Chambres, ce qui prendrait un temps inconcevable en la circonstance. Lebeau recommande l’appel à l’aide, en escomptant un accord a posteriori des députés. Les Hollandais furent en effet chassés au cours de la « Campagne des Dix jours », bien oubliée aujourd’hui malgré sa bonne centaine de morts.
Fort de la confiance royale, Joseph Lebeau fut plusieurs fois ministres et forma même le premier gouvernement libéral homogène, alors que la règle tacite avait été jusque-là de gouverner dans une coalition catholique – libérale.
Mais Lebeau sait toujours se retirer au moment où il n’est plus indispensable, et s’adonne à ses activités juridiques.
Intéressant aussi son passage dans la diplomatie, et amusante la confrontation, à cette occasion, avec Metternich, le grand garant du Congrès de Vienne, qui voyait d’un œil noir les évènements de Bruxelles en 1830, où Lebeau s’était montré particulièrement actif. À cette occasion, Lebeau a la satisfaction d’apprendre que Metternich avait mis en garde Guillaume d’Orange contre un sectarisme trop sévère, et lui avait conseillé d’envisager une séparation administrative, ce à quoi Guillaume avait répondu par un mépris souverain.
Dans une prose assez tenue, riche en subjonctifs imparfaits, Carlo Bronne, qui deviendra un conteur plus populaire par la suite, réussit néanmoins son pari de vulgarisateur.