Exit West
de Mohsin Hamid

critiqué par Killing79, le 3 juillet 2018
(Chamalieres - 44 ans)


La note:  étoiles
Exil poétique
Présentation de l'éditeur
Une grande ville au bord de la guerre civile, quelque part au Moyen-Orient. Saïd y rencontre Nadia, une jeune femme indépendante, sensuelle et déterminée. Jour après jour, les explosions, les échanges de tirs et les points de contrôle sauvages transforment un peu plus la vie des habitants en enfer. Nadia et Saïd doivent se cacher pour vivre leur passion naissante, mais l’escalade de la violence finit de les transformer en prisonniers et les pousse à tout tenter pour partir, jusqu’à emprunter l’une de ces portes mystérieuses dont on dit qu’elles ouvrent sur l’Occident…


Mon avis: En 2014, en librairie, j’avais remarqué la couverture de « Comment s’en mettre plein les poches en Asie mutante », le troisième livre traduit de Mohsin Hamid. Mon libraire me l’avait conseillé en appuyant sur le côté exotique et farceur du livre. Faute de temps, je n’avais pas pu suivre ses conseils. Aujourd’hui, j’ai pu enfin rattraper mon retard avec son dernier né.

Ce roman n’est pas comique et traite plutôt d’un thème grave. Il nous fait vivre la crise migratoire sous la forme d’un conte. Le lecteur est aux côtés des protagonistes et il suit leur quotidien. Le récit est concentré sur l’histoire d’amour de Nadia et Saïd, mais en fond, on comprend aussi le monde qui les entoure. Avec le prétexte du destin de deux êtres, l’auteur s’intéresse à une situation globale. Il nous raconte l’exil que ces personnes, nées au mauvais endroit à la mauvaise époque, vont devoir entreprendre pour pouvoir seulement survivre.

Toute la magie de ce texte repose sur la poésie dégagée. A aucun moment, l’auteur ne condamne ou ne prend parti. Il préfère mettre en lumière des petits acteurs de ce drame afin de mieux rendre compte de la situation de ces migrants. L’innocence du couple permet une critique sous-jacente d’un système qui bouleverse le cours des vies. On voit ainsi comment les destinées peuvent être détournées au fil des évènements subis. Les différentes étapes de leur voyage vont jouer un rôle important dans leurs sentiments amoureux qui vont s’effriter sous le poids de l’Histoire. La lecture est à l’image de cette relation : tour à tour passionnée, triste, optimiste, désespérée… mais toujours avec une petite touche d’humour et de fantastique.

Avec délicatesse et bienveillance, Mohsin Hamid nous offre une belle et poignante fable sur l’exode des peuples, qui résonnera dans mon esprit pendant longtemps. Il a su trouver le bon ton pour aborder ce sujet d’actualité pourtant délicat. Ce n'est ni déprimant, ni édulcoré, juste réel !
QUAND LE «WEST» REPRÉSENTE LA SEULE PORTE DE SORTIE! 8 étoiles

Au début du livre nous sommes dans une grande ville au bord de la guerre civile, quelque part au Moyen-Orient. L’auteur ne nous dira jamais le nom de la ville, mais à certains détails qu’il nous donne dans la première partie du livre on comprend que nous sommes à Kaboul en Afghanistan. Nous faisons la connaissance d’un jeune homme, Saïd, qui vit encore ses chez parents et qui, à ses cours du soir en marketing, rencontre Nadia. Celle-ci est une jeune femme belle et indépendante, qui roule à moto, et vit seule dans un petit studio, ayant coupé tous les ponts avec sa famille.

Très vite les deux jeunes tombent amoureux et tout irait bien dans le meilleur des mondes, si dans leur ville, jour après jour, les explosions, les échanges de tirs, les attentats suicides et les points de contrôle sauvages, transforment un peu à peu la vie des habitants en un enfer. Nadia et Saïd qui ne sont pas mariés doivent se cacher pour vivre leur passion. En effet, une guerre civile s’est déclenchée et les quartiers de la ville tombent un par un aux mains des «rebelles». Encore une fois, l’auteur ne nous dira jamais qui sont ces «rebelles», mais on devine facilement ici qu’il s’agit des... Talibans!

L’escalade de la violence dans la ville n’en finit plus et transforme tous ses habitants en prisonniers. Il n’y a plus d’eau, plus d’électricité, plus de nourriture, et la mort peu vous surprendre à tous les coins de rue, sous la forme de balles perdues… Nadia et Saïd songent de plus en plus à partir, mais la ville est à présent complètement isolée du reste du monde…

Mohsin HAMID (*1971) nous conte ici une histoire d’amour poignante sur fond d’exil et de crise migratoire. La vie, les conditions de vie des réfugiés, des exilés venant des pays d’Asie dans nos pays sont très bien décrites et restituées.
Mohsin HAMID nous prouve par son inventivité de conteur qu’un sujet d’actualité n’exclut pas la poésie ni même la magie. C’est une fable contemporaine et intemporelle. Il y a une ressemblance avec les livres du japonais Haruki MURAKAMI (1) ou du hongrois Laszlo KRASZNAHORKAI (2), dans le sens qu’à un moment le fantastique, ou disons plutôt «l’irrationnel» arrive de façon toute à fait banale dans le cours du récit (non, n’insistez pas, je ne vous dirai pas comment, la réponse est dans le livre…).

Que dire de plus? Les personnages de Saïd et Nadia sont vraiment très bien écrits, et très bien fouillés au point de vue psychologique. Les autres personnages, à part peut-être le père de Saïd, sont eux des simples faire-valoir dans l’histoire. C’est un livre «tendre» et rempli de bienveillance, malgré la gravité du sujet et la violence des faits qui nous sont parfois décrits.
Si je devais faire quelques reproches à ce livre, ce serait la fin un peu trop brusque et trop vite expédiée, et qui ne répond donc pas à toutes les questions que l’on se pose (p. ex. : Que sont donc devenus Saïd et Nadia ? Comment se fait-il qu’on les retrouves dans leur pays d’origine?...). Mais, surtout, je dois dire que j’ai eu beaucoup de mal à croire à l’évolution du personnage de Nadia, qui ne correspond absolument pas à ce que l’auteur nous raconte au début du roman… Cela dit, ça reste un très bon roman, très bien écrit, et j’ai vraiment passé un très bon moment de lecture…

Est-ce que je conseille la lecture de ce livre? Oui, comme tous les livres de Mohsin HAMID (*1971) celui-ci est vraiment très bon, il n’y a rien à redire! Je pense que ce livre permet au plus grand nombre d’appréhender de façon inhabituelle, - de l’intérieur donc -, le drame des réfugiés politiques qui arrivent dans nos pays…

(1). : Cf. ici sur Cl : https://critiqueslibres.com/i.php/vauteur/933
(2). : Cf. ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vauteur/37617

Septularisen - Luxembourg - 56 ans - 16 juillet 2023