Un monde sur mesure
de Nathalie Skowronek

critiqué par Nathavh, le 7 avril 2018
( - 59 ans)


La note:  étoiles
Un monde sur mesure
Nathalie Skowronek était finaliste du Prix Rossel 2017 (Le Goncourt Belge) avec ce récit qui nous raconte un pan de l'histoire de sa famille arrivée chez nous dans les années 20 en provenance de Pologne.

Au départ, Lily, l'arrière-grand-mère, originaire d'une lignée de tailleur juif, vend ce qu'elle peut sur les marchés de Charleroi. A l'époque, il est vrai que le savoir faire couture est transmis de génération en génération et permet souvent à un juif de redémarrer avec un peu de tissu, du fil et une aiguille.

Ses grands-parents ouvriront des magasins dans la rue de la Montagne à Charleroi, d'abord "Le Palais de la fourrure", puis Vogue et Guedalia, de féroces concurrents toujours à la recherche de l'article phare voué au succès éphémère de la mode.

Ses parents Tina et Octave ouvriront plusieurs magasins entre autre Veldstraat à Gand.

En route pour l'histoire de la mode. On en apprend des choses intéressantes tout en les liant aux références littéraires : la création des grands magasins avec de nombreuses références à Zola "Au bonheur des dames", la fièvre acheteuse, les créations d'emplois, l'invention de la première machine à coudre par Samuel Singer en 1851, une des plus grandes entreprises internationales, les ateliers (référence à la pièce de Grumberg), le début du prêt à porter (ready to wear 1895) en opposition au sur mesure usité jusque là.

Avec Nathalie Skowronek et sa famille, on arpente "Le Sentier" à Paris, quartier des grossistes où la famille se fournissait jusqu'à l'arrivée des chinois dans les années 96 dans le quartier Popincourt. Ils casseront les prix et amèneront d'autres méthodes, début d'un grand changement.

La plume est truffée de références littéraires, Zola, Proust, Flaubert, Cohen, Annie Ernaux. L'écriture est très documentée, peut-être un peu trop pour ce qu'au départ je pensais être un roman, rendant un peu moins fluide le côté narratif. On se rapproche en effet par moments du genre documentaire, ce qui est très bien aussi car franchement on ne perd pas son temps, on découvre un monde.

On notera que Nathalie, la narratrice sera en fonction des époques le "Je", "l'enfant" lorsqu'elle remonte dans le temps et deviendra "Sencha" lorsqu'elle parle de ses sept années dans le prêt à porter, secondant sa mère Tina, l'intrépide Don Quichota.

J'ai aimé qu'elle retourne ensuite sur les différents lieux de narration à la recherche de ce qu'ils étaient devenus, un peu nostalgique ne retrouvant malheureusement plus les lieux de son enfance.

Une belle découverte que je vous recommande vivement.

Ma note : 8.5 /10


Les jolies phrases

Ce continuum était notre religion : tailleur, machine à coudre, juif, se refaire, s'enfuir, tout cela faisait partie pour nous d'une seule et même histoire.

A porter l'attention sur le double sens de sweat, on comprend qu'il a beaucoup à voir avec l'idée de peine. Impossible de ne pas penser que sweatshop alliant efficacité et main-d'oeuvre corvéable à souhait ( pas même pour le prix d'une bouche à nourrir), les Allemands ont créé un modèle dans le genre - Arbeit macht frei, n'est-ce-pas ? -, Auschwitz, du verbe schwitzen; cousin du sweat anglais, où l'on comprend qu'il est toujours question de sueur.

Nous étions tout à tour pionniers ou suiveurs, pestant lorsque nous étions copiés, prenant un air innocent lorsque nous avions copié.

Le made in China n'appelait pas à mille développements; dans ma tête, il était venu remplacer le savoir faire du shetl.

Au final, on demande aux codes de l'habillement de dire à notre place qui on est, d'où on vient, à quoi on aspire.

Ce qui laisse entendre que partir c'est trahir, et que vivre c'est tuer l'autre.

Ce qui comptait c'était d'occuper le terrain, de faire impression. Mais la première impressionnée c'était moi, la débutante, qui pour se donner une consistance dont elle se croyait dépourvue s'était persuadée de sa vocation à embrasser le métier de commerçant.
auteure belge 6 étoiles

Bonjour les lecteurs ...

Me voici de retour avec une auteure belge.

Nathalie Skowronek revient sur l'histoire de sa famille, des juifs ayant fui la Pologne pour une vie meilleure.
Chez eux, on est tailleurs, marchand de tissus, de vêtements " sur-mesure" et puis prêt-à-porter de générations en générations.

L'auteure revient sur l'évolution de ce métier, et en piochant dans les souvenirs familiaux, elle nous entraine dans le monde de la confection, depuis l'achat de la matière première jusqu'à la mise en vitrine.
Nous pénétrons dans le célèbre " sentier " de Paris, abordons les invisibles intermédiaires chinois ou pakistanais.
Il faut être rapide et juste dans le choix des tissus, des vêtement.. une erreur peut être fatale.

Et parmi tout ce monde , l'auteur... qui ne trouve pas sa place, se force à reprendre le flambeau malgré tout , puis renonce pour,se consacrer à l'écriture.

J'ai été moyennement conquise par ce récit.
La narration comporte en effet de nombreuses références littéraires qui n'apportent pas grand chose de plus à l'histoire , au contraire, je trouve que celle-ci perd un peu de son charme .
Je reconnais un grand travail de recherche de la part de l'auteur, mais trop de références ou de citations amènent l'ennui .
Dommage de n'en être pas restée simplement à la transmission de l'histoire familiale.

Faby de Caparica - - 62 ans - 28 juin 2018