La part du ghetto
de Malek Dehoune, Manon Querouil

critiqué par Hexagone, le 28 mars 2018
( - 53 ans)


La note:  étoiles
Elle court, elle court, la banlieue.
En premier lieu je veux déjà exprimer le fait que j'ai, d'une manière générale, peu de respect pour les journalistes.
Trop de compromission, d'idéologie et de parti pris dans leur travail.
Cependant, n'étant pas quelqu'un à l'esprit fermé, il m'arrive de lire certains de leurs écrits et d'en tirer un avis objectif.
C'est ce que je vais faire ici.
Je ne connaissais pas cette journaliste, le ouèb m'a permis d'en savoir davantage sur elle.
Elle est une reporter, a des faits d'armes à l'étranger et semble reconnue par ses pairs.
Dont acte.
J'avais lu il y environ 15 ans le livre d'une autre journaliste qui s'était immergée à la grande borne et en avait tiré un livre très instructif sur la vie de banlieue.

Bis repetita 15 ans plus tard !
Manon à l'aide d'un fixeur va pénétrer la cité, laquelle ? On l'ignore mais on comprend que des règles de discrétion l'empêchent de divulguer les lieux mais que c'est de l'autre côté du périph' , cette frontière d'asphalte qui sépare deux mondes, deux civilisations.
Au début j'ai pensé que Manon serait une bobo en soif de d'aventures dans le quartier des bad boys, qu'elle allait nous vendre du vivre ensemble, melting pot et compagnie.
Fausse route.
Elle s'immisce tout au long du récit dans la cité et nous décrit de manière objective, même si l'on sent poindre une part d'affection distante pour ses habitants et surtout ses soit-disant caïds.
Mais cela ne gène pas le travail qu'elle effectue et dont elle nous rend compte.
Elle nous fait rencontrer les petits caïds, des loosers en fait, vendant de la drogue, essentiellement du cannabis mais pas que, des petites frappes qui tabassent les clandestins qui viennent occuper leur territoire.
L'image du banlieusard banni de l'intégration par le système prend un coup dans l'aile.
Car elle nous montre clairement qu'ils emploient pour sauvegarder leur tranquillité des moyens qu'ils reprochent souvent à la police, tabassage, pression et exclusion de la cité.
Elle nous balade dans ce petit monde de quelques ares où se côtoient des kebabs, pizzerias dont la principale fonction est de blanchir l'argent de la drogue.
Nous suivons les parcours de dealers, anciens braqueurs, qui séjournent tous un jour ou l'autre en prison. Le passage sur Fleury-Mérogis sonne juste.
Elle nous parle de ces filles qui se prostituent pour échapper à cette cité qui ne fait qu'une chose oppresser ses habitants.
Ces filles qui " Prient un jour et sucent un autre" car Manon met le doigt où ça fait mal, cette omniprésence de la religion musulmane dans la cité.
Ces personnes qui se targuent d'être de bons musulmans mais qui se prostituent, vendent de la drogue, braquent et qui parlent à longueur de journée de respect.
Il y a de la schizophrénie chez ces gens, ni français, ni maghrébins, ni les deux à la fois, mal dans leur cité et mal dans la ville.
Le passage sur la médecine musulmane m'a fait mourir de rire, l’imam qui exorcise est un sacré malin qui berne bien son monde en empochant les billets.
La parodie de mariage est un must de cette hypocrisie, les filles couchent avant mais font hallal pour faire plaisir aux parents, se griment, et expédient en un coup de cuiller à pot ce mariage religieux qui leur donne le droit de vivre avec l'élu de leur cœur.
La petite bobo qui a dû cesser de porter des jupes, de se maquiller et de sortir m'a bien plu également.
Et puis évidemment le passage obligé sur le salafisme et ses idiots utiles.
Donc rien n'a changé dans ces cités où toute une partie de la population vivote, ne s'intègre pas car elle n'a pas les codes, elle ne les a pas car elle les a refusés.
Des gens qui, on le ressent très bien, sont mal à l'aise dans leur statut bancal, mais qui paradoxalement ne font rien pour que cela change.
Il semblerait que ce qui ait changé est le comportement des jeunes qui ne veulent qu'une chose, des billets et à n'importe quel prix.
Vendeur de drogue, prostitué la semaine et pénitent le vendredi à la mosquée.
Il manque des figures dans ce livre tels que les enseignants, les médecins et les travailleurs sociaux, ce n'est pas un reproche, mais leurs témoignages auraient pu valider certaines thèses avancées.
Pour moi qui connaît ce monde, je n'ai rien appris de particulier, je connais toutes ces figures de cité et leurs destins semblent sans issue.
Comment sera la vie dans 20 ans des ces quartiers perdus par l'Etat ?
Un lieu de rejet où la vie se paupérisera davantage, excluant les inaptes ou les marginaux et ce n'est pas en injectant des milliards que la chose s'arrangera.
Comment motiver un jeune qui gagne un Smic en deux jours en vendant de la drogue, à aller bosser pour le même salaire pour un mois de travail ?
Pas de questions soulevées dans le livre de Manon qui d'ailleurs n'est pas fait pour cela.
Le titre m'a un peu contrarié, car parler de ghetto pour ce genre de cité me semble exagéré, mais le jeu de mot nécessitait cette bévue.
Pour ceux qui veulent découvrir un monde qui est en fait à deux pas de chez eux, ce livre les comblera en restant au chaud.
C'est un bon travail qui mérite à l'auteur de poursuivre sur ce chemin de récits factuels.
Je lui souhaite le meilleur.
A lire 8 étoiles

Bonjour les lecteurs ....

Manon Quérouil-Bruneel est grand reporter et a enquêté pendant un an dans une banlieue du 93 avec Malek, un " ancien" de la cité qui lui a permis de s'introduire dans le "ghetto".

Elle explique l'évolution des mentalités sur 3 générations.
La première arrivée en France y croyait et travaillait dur, la seconde n'était que révolte et la génération actuelle est celle des " petits arrangements " et qui veut tout tout, de suite.

Ce livre est très intéressant et aborde tous les sujets sensibles des banlieues, de la drogue à la prostitution , en passant par le vol et les faux papiers.

Manon a eu un excellent guide en la personne de Malek, il lui a ouvert des portes qui lui seraient restées fermées .. les journalistes n'étant pas les bienvenus!
Elle a pu voir le quotidien non édulcoré des habitants de la cité qui, petit à petit se sont habitués à sa présence , l'ont adoptée et certains ont fini par accepter de lui parler.

A aucun moment la journaliste ne prend parti ni ne juge .. elle relate, c'est tout ..;

Un livre à lire pour un peu mieux comprendre cet univers particulier des banlieues.

Faby de Caparica - - 62 ans - 13 avril 2018