L'homme de Berlin
de Luke McCallin

critiqué par Pieronnelle, le 25 mars 2018
(Dans le nord et le sud...Belgique/France - 76 ans)


La note:  étoiles
Enquête au coeur de Sarajevo ville martyre
Voilà un livre passionnant, tant au niveau de l’intrigue que de la situation historique. Il s’agit d’une trilogie dont le troisième tome n’a pas encore été traduit, ce qui ne devrait pas tarder. Les deux premiers tomes sont «L’homme de Berlin» et «La maison pâle». Certains ont voulu faire une comparaison avec «La trilogie berlinoise « de Philip Kerr» sans doute du fait qu’il s’agit d’un ancien policier et d’une trilogie et puis surtout parce que la période est celle de la dernière guerre de 1939 à 1945 du côté allemand !
Mais la comparaison s’arrête là, car le personnage de «L’homme de Berlin» Gregor Reinhardt, ancien inspecteur de police de La Kripa , se retrouve au sein de l’armée allemande dans la Yougoslavie et précisément à Sarajevo, lors de l’occupation de cette région des Balkans si particulière et complexe.
Reinhardt est un homme désabusé, qui a été témoin d’évènements traumatisants et dont la situation personnelle, perte de sa femme et disparition à Stalingrad de son fils happé par la propagande nazie, l’ont conduit à se réfugier dans l’alcoolisme en perte totale d’espoir.
Homme au passé brillant dans le cadre de son métier de policier, certains faits, révélés au fur et à mesure de souvenirs, l’ont conduit à tout abandonner. Plutôt désespéré, Reinhardt se retrouve en peine guerre à Sarajevo dans une unité l’Abwehr chargée du renseignement militaire et du contre-espionnage .
La véritable héroïne de ce roman est bien Sarajevo et l’auteur nous plonge dans cette ville qu’il décrit parfaitement et dans l’imbroglio des peuples de cette région avec un souci de reconstitution et recherches historiques absolument passionnantes. A Sarajevo on découvre ces divers peuples et communautés qui se côtoient au sein d’une Bosnie croate, musulmane et serbe ; avec les Tchetniks ultranationalistes et surtout les Oustachis croates (celle d’Ante Pavelic) , extrême droite fasciste avec laquelle s’est alliée l’armée allemande, qui veut prendre le pouvoir et qui semble dépasser même la Gestapo dans les tortures et massacres... Compliquée la situation, avec en plus les Italiens qui se sont insérés dans ce conflit. Durant cette période les juifs et les tziganes furent pratiquement tous exterminés, des musulmans bosniaques furent massacrés ainsi que des serbes bosniaques!
Au coeur de cette situation, à partir de 1941, les communistes yougoslaves sous le commandement d’un certain Tito, vont organiser une résistance multiethnique qui devra lutter contre toutes les forces de l’Axe.
Difficile au coeur de ce méli-mélo d’investiguer sur une enquête pour meurtre, celle concernant une jeune journaliste sympathisante Oustachi et un officier allemand retrouvés tous les deux assassinés.
Cette enquête sera quelque part une occasion pour Reinhardt de se retrouver vers ce qu’il avait pu faire de mieux dans son ancien travail et lui permettra de sortir de cette sorte d’étranglement où l’a plongé cette Allemagne nazie à laquelle il n’adhère pas.
Reinhardt va se trouver confronté aux Oustachis de façon violente, à une unité de police allemande particulièrement trouble et dangereuse la Feldgendarmerie appelée aussi «Les chiens de chaîne», la police de Sarajevo sympathisante avec les Oustachis, et aussi les partisans qui l’aideront de façon imprévue à résoudre l’enquête. Car apparemment cette dernière va déranger bien des choses, celles qu’on ne doit pas connaître aussi bien du côté allemand que des autres, mais Reinhardt , personnage très attachant à la psychologie complexe car difficile de garder une humanité dans des situations pareilles, et semblant parfois désarmé, s’y accrochera jusqu’au bout et après de nombreuses péripéties qui seront une occasion de plonger dans la connaissance de la ville de Sarajevo, véritable martyre du fait de ces confrontations ethniques bien orchestrées également par les forces étrangères, aboutira à la solution, en bien piteux état, mais victorieux.

Les notes historiques en fin de livre sont particulièrement intéressantes et ajoutent un éclairage supplémentaire sur cette situation des Balkans pendant la deuxième guerre.

On retrouvera Reinhardt dans le second tome «La maison pâle», revenu à Sarajevo après deux années de combats sur le front de l’est et en plein délabrement de l’armée allemande.
Difficile de résumer ces six cents pages qu’on ne lâche pas une seconde et j’ai bien conscience de n’y être pas vraiment parvenue.
Reste à lire ce livre pour tous ceux que l’Histoire et l’imbroglio de la situation de cette région intéressent et qui permet de beaucoup mieux comprendre les terribles conflits qui se sont produits après le démantèlement de la Yougoslavie.