Un été à Baden-Baden
de Leonid Tsypkin

critiqué par ARL, le 30 janvier 2018
(Montréal - 38 ans)


La note:  étoiles
Dostoïevski, parfois
Dans sa préface, Susan Sontag qualifie ce livre de chef-d’œuvre perdu de la littérature russe du 20e siècle. Rien de moins. "Un été à Baden-Baden" est certainement une œuvre à part. À cheval entre l'essai, le roman et le récit autobiographique, le texte de Tsypkin défie toute tentative de classification. L'auteur/narrateur, qui voyage en train de Moscou vers Saint-Pétersbourg pour visiter le musée Dostoïevski, se plonge dans la lecture du journal intime d'Anna Grigorievna, la dernière épouse de l'écrivain. Il se prend à imaginer comment s'est déroulé le voyage des époux à Baden-Baden, où Dostoïevski écrivit "Le joueur" en perdant lui-même beaucoup d'argent au casino.

Ces portions romanesques du livre sont de loin les plus intéressantes, si l'on tient pour acquis que le lecteur est un passionné de Dostoïevski. On y découvre un personnage pathétique, criblé de dettes, rongé par la maladie et dépendant au jeu. Un mari aimant mais instable, au caractère capricieux. Un écrivain jaloux du succès de ses pairs dont il considère le travail médiocre. Tsypkin connaît Dostoïevski et les scènes qu'il dépeint sont fortes et convaincantes.

Malheureusement, le style et la structure sont assez rebutants. L'auteur/narrateur se lance régulièrement dans des digressions autobiographiques qu'il intègre aux passages romanesques sans souci de clarté. On traverse d'une époque à une autre au sein d'une même phrase sans avertissement. Les phrases sont proustiennes, si longues et pleines de détours qu'on en oublie parfois le sujet. Tsypkin brise son récit à coups de réflexions sur l'antisémitisme de Dostoïevski et de souvenirs de sa vieille tante. C'est peut-être original, mais c'est un peu essoufflant à la longue. Dommage car tout ce qui concerne directement Dostoïevski est une réussite. Le reste, pas mal moins.