La musique éveille le temps
de Daniel Barenboim

critiqué par Falgo, le 25 janvier 2018
(Lentilly - 84 ans)


La note:  étoiles
Formidable
Ce livre révèle l'extraordinaire personnalité du pianiste et chef d'orchestre célébré pour son talent dans le monde entier. Daniel Barenboim y remplit deux objectifs. En premier lieu, il explicite la musique classique et son interprétation. En second, il établit des liens entre elle et la manière de conduire la politique et la vie quotidiennes. Ces deux plans s'entremêlent et se renvoient l'un à l'autre au cours de l'écriture (un essai et reprise de divers articles).
Sur la musique classique et son interprétation, Barenboim livre des conceptions éclairantes. Il ne s'exprime pas seulement en musicien mais également en philosophe (nombreuses références à Spinoza), entraînant le lecteur dans une démarche à la fois explicative et d'une grande profondeur. Il explicite nombre de points de vue sur la composition et l'interprétation de cette musique: son et temps; son et silence; tempo, rythme et harmonie; intellect et émotion; entendre et écouter; rôles complémentaires des différentes voix; etc. Il définit ainsi en épaisseur et en largeur la musique classique, perspectives qu'il concrétise dans des passages consacrés à des compositeurs (Bach, Mozart, Beethoven, Wagner, Boulez) et un interprète (Wilhelm Furtwängler). Tout y est avec une pénétrante intelligence, si loin des ratiocinations du pauvre et médiocre philosophe Francis Wolff dont j'ai critiqué le livre en son temps.
Et Barenboim va plus loin en indiquant comment écrire et interpréter la musique classique peuvent constituer des modèles pour la conduite de la politique et de la vie quotidiennes. C'est en partant de ces prémisses qu'il a fondé, avec Edward Saïd, le West-Eastern Divan Orchestra (emprunt à Goethe) qui réunit des musiciens arabes et juifs pour jouer ensemble cette musique, symbole de ce que pourrait être un accord entre Israéliens et Palestiniens, auquel il consacre de grands développements. Le musicien voit donc loin, plaçant même à Séville, pour de bonnes raisons, le stage de formation de l'orchestre.