Le Poids de la neige de Christian Guay-Poliquin

Le Poids de la neige de Christian Guay-Poliquin

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 5 novembre 2017 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (39 850ème position).
Discussion(s) : 1 (Voir »)
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Un village condamné à l’huis clos

Le Prix du gouverneur général 2017, la plus haute distinction littéraire du Canada, vient d’être accordé à Christian Guay-Poliquin pour son roman Le Poids de la neige. Après avoir écrit Le Fil des kilomètres, il ramène son protagoniste de l’Ouest canadien, qui a parcouru presque tout le Canada lors d’une panne d’électricité généralisée pour venir au chevet de son père mourant.

Avec son nouveau roman, l’auteur conduit son héros à la porte de son village natal aux prises, lui aussi, avec le manque d’électricité qui sévit dans le pays. Malheureusement, l’hiver s‘installe toujours avec ses inconvénients. La neige est un poids qui rend les routes dangereuses et les secours aléatoires. Bref, la neige isole tous et chacun. C’est d’autant plus vrai quand un accident survient en pleine tempête dans une région boréale. À un mille de son point d’arrivée, le narrateur, le principal personnage du roman, a les deux jambes fracturées lors d’une embardée. De valeureux villageois le confient à un vieil homme de passage devenu captif de l’intempérie. Les deux se retrouvent dans une véranda chauffée en attendant que l’hiver se fasse moins rébarbatif. Ce n’est pas sans rappeler la crise du verglas qui a frappé le Québec pendant un mois en 1998.

Même si ces deux personnages sont à l’abri, il faut se chauffer et manger. C’est d’autant plus pénible quand on est à une heure de marche du village presque déserté. Plusieurs ayant gagné des régions moins affectées. Quand même, de bons samaritains s’enquièrent de leurs besoins pour tenter de les combler. Maria, l’infirmière, apporte des antidouleurs et refait les pansements du narrateur. D’autres apportent du bois de chauffage ou des cannages. Le tandem s’organise, mais la vie à deux ouvre la voie aux différends.

Cette réclusion devient un ermitage qui oblige les deux hommes à partager un quotidien contraignant. Le plus vieux s’occupe de son cadet très mal en point, mais son silence ne facilite pas l’entraide. On s’observe comme des chiens de faïence. Petit à petit, quand l’état de santé du narrateur s’améliore, on passe de la vie contemplative à une vie moins passive. Chacun comprend qu’il a besoin de l’autre pour vivre, voire pour rêver sa vie.

Cet huis clos, qui enseigne que la vie est un partage, révèle l’importance de la fraternité. On s’en sort grâce aux ponts que l’on a construits. Des ponts que la fatalité souhaite voir s’effondrer. Mais ils tiennent quand l’enjeu existentiel pousse vers l’autre. Le départ du vieil homme est motivé par la maladie de sa femme et celui du jeune suit le deuil de son père pour se consoler auprès de sa famille vivant dans un camp de chasse.

C’est un roman dense servi par une belle écriture compacte et limitée par un sujet, un verbe, un complément et une proposition subordonnée. L’auteur n’essaie pas de calquer l’oralité comme c’est la vogue au Québec. Il se limite à profiler l’épaisseur de ses deux principaux protagonistes et à étudier leurs réactions dans un contexte de claustration. De cette manière, il lance une belle invitation à se surpasser.

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Ermites des neiges

7 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans) - 30 juin 2018

Avec ce roman Christian Guay-Poliquin me ramène loin en arrière dans le temps, à tous les romans d’aventure dans les grands espaces gelés du Grand Nord que j’ai lus quand j’étais enfant ou ado. J’ai retrouvé l’atmosphère écrasant, l’angoisse palpitante, les paysages ensevelis, les hommes rudes et persévérants, décrits par Louis Hémon, Jack London et tous ceux qui ont raconté les histoires de trappeurs qui me passionnaient particulièrement sans oublier tous ceux qui ont narré les expéditions dantesques dans ces zones particulièrement inhospitalières : Christoph Ramsmayr avec dans « Les effrois de la glace et les ténèbres » racontant l’expédition autrichienne dans la région du pôle nord), Andrea Barrett avec « Le voyage du Narwahl » ce navire cherchant un passage par le nord entre les océans ou d’autres explorations toutes aussi téméraires et dangereuses.

La présente histoire se déroule dans le grand nord canadien pendant une tempête de neige particulièrement abondante qui dure, dure, … jusqu’à ensevelir toute trace vie, provoquant même une panne d’électricité générale qui paralyse les villes et les villages. C’est au début de cette tempête qu’un jeune homme revient au pays où il est victime d‘un accident de la route qui le prive de l’usage de ces jambes. Le croyant promis à une mort rapide, les habitants du village le confie à une personne déjà âgée réfugiée dans une maison abandonnée, isolée loin des autres habitations, contre la promesse de lui réserver une place dans le prochain convoi en partance pour la ville. Mais la tempête ne cesse pas, seuls une poignée d’habitants visitent les deux ermites des neiges. Commence alors un long huis clos au cours duquel les deux hommes, tour à tour, unissent leurs efforts pour lutter contre les éléments et survivre jusqu’à la fonte des neiges ou se heurtent violemment ou sournoisement pour filer seul au détriment de celui qui restera sur place enseveli sous la neige.

A travers des chapitres très courts, l’auteur peint des tableaux angoissants démontrant la dépense d’énergie, la débrouillardise, l’inventivité, la volonté de survivre des deux réfugiés ne recevant que des nouvelles désespérantes concernant l’étiolement de la vie au village et les tentatives de fuites de ceux qui en ont les moyens. C’est une lutte permanente entre la solidarité, la nécessité de s’unir pour survivre, et l’individualisme, la possibilité pour l’un des deux de s’échapper en emportant les vivres. Au début le vieux laisserait bien le jeune avec son invalidité mais après un longue convalescence le jeune pourrait renverser la situation. C’est aussi un combat de tous les jours pour ne pas perdre l’espoir et toujours lutter malgré les crises de désespoir. « Nous sommes dans le ventre de l’hiver, dans ses entrailles. Et, dans cette obscurité chaude, nous savons qu’on ne peut jamais fuir ce qui nous échoit. »

Une leçon de courage, de persévérance, de solidarité, d’entre aide pour accepter la fatalité et lutter ensemble contre les éléments même si la nature est toujours plus forte que les hommes.

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  Un labyrinthe de chapitres... 5 Miss Tigrette 29 mai 2019 @ 14:03

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