Artemisia
de Nathalie Ferlut (Scénario), Tamia Baudouin (Dessin)

critiqué par Blue Boy, le 21 octobre 2017
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Baroque… et culottée !
Au XVIIe siècle, Artemisia Gentileschi fut l’une des premières femmes à avoir été admise à l’Académie de peinture, à une époque où la discipline était un domaine réservé aux hommes. Mais sa forte personnalité et son talent firent tomber les résistances, l’imposant comme l’une des meilleures artistes peintres baroques de sa génération, fortement influencée par le Caravage.

On peut parfois se demander si les choses ont vraiment changé depuis l’époque où cette femme dut se battre bec et ongles pour obtenir la reconnaissance de ses pairs mâles, pour qui le talent semblait intimement lié à la testostérone. Il suffit de voir comment aujourd’hui encore, la bande dessinée reste majoritairement un domaine réservé à la gent masculine dont l'attitude vis-à-vis des femmes oscillera le plus souvent entre le simple haussement d’épaules et une certaine condescendance… Pour cet album, le fait qu’il soit réalisé par deux femmes n’est pas tout à fait un hasard. Le scénario est signé par Nathalie Ferlut, également dessinatrice et active depuis une bonne décennie, à l’origine de l’excellente biographie « Andersen, les ombres d’un conteur », parue il y a un an chez Casterman. Aux pinceaux on retrouve une nouvelle venue, Tamia Baudoin, également connaisseuse dans le domaine de la mode, ce qui se ressent dans son dessin où elle porte un soin particulier aux vêtements. On pourra toujours lui reprocher un certain amateurisme sur le plan des visages ou des attitudes, mais globalement, son graphisme passe plutôt bien grâce à un traitement des couleurs harmonieux. Pour ce qui est du récit, on suit avec intérêt l’histoire de cette femme à la personnalité hors du commun, qui, tout en se hissant au niveau du Caravage par son talent, sut défier et surmonter l’arrogance des goujats qu’elle croisa sur son chemin, en particulier Agostino Tassi, peintre lui-même, ami de son père et violeur occasionnel…

Depuis quelques temps, les BD valorisant la place de la femme – on peut dire « féministe », ce n’est pas un gros mot, et les défenseurs de la cause ont quelque peu évolué par rapport à l’époque du MLF - semblent gagner du terrain. Est-ce juste une impression ou le fruit du hasard ? Ces derniers temps on peut noter quelques exemples : la série « Culottées » de Pénélope Bagieu, les biographies de Catel et Bocquet (« Olympe de Gouges », « Joséphine Baker »…) ou encore « Les Cent nuits de Héro » d’Isabel Greenberg. Faut-il y voir une volonté de la part des éditeurs de faire contrepoids à la polémique récente qui a perturbé le doux ronron du « festi-mâle » d’Angoulême ? On aimerait le croire…

Quoi qu’il en soit, « Artemisia », sans être le chef d’œuvre de l’année, demeure un ouvrage recelant un charme certain, d’un intérêt historique et artistique indéniable, ne serait-ce que pour vérifier que le féminisme a finalement toujours existé à travers des électrons libres, telle l’artiste décrite ici, avant de devenir le mouvement fédérateur qui naquit au XIXe siècle, pour ensuite gagner en notoriété dans les années soixante.