Les femmes dans la révolution russe
de Jean-Jacques Marie

critiqué par CHALOT, le 7 octobre 2017
(Vaux le Pénil - 76 ans)


La note:  étoiles
une oeuvre maîtresse
« Les femmes dans la Révolution russe »
de Jean-Jacques Marie
28 septembre 2017
Editions du Seuil

Ces femmes qui ne seraient pas des personnes d’après un vieux proverbe russe ont été les premières à faire grève le 21 février 2017 (soit le 8 mars d’après le calendrier grégorien).
C’est la journée internationale des droits des femmes qui voit les ouvrières de plusieurs usines du textile de l’arrondissement de Vygord à Pétrograd, descendre dans la rue pour protester contre la vie chère et leurs conditions de travail et de vie.
Dès les premières pages, l’auteur nous emmène au cœur du combat des femmes et des ouvrières, montrant qu’elles ont été à la pointe du combat, désobéissant par là-même aux consignes de leur parti.
Ce n’est pas la première fois que le parti bolchevik sera pris de cours et devra adapter sa politique au mouvement des masses.
Dans ce livre, Jean-Jacques Marie nous fait traverser toute la période historique qui va des premières grèves, à la stalinisation du pays en passant par la révolution d’octobre.
Ce n’est ni une ré-écriture, ni un réaménagement d’un récit-analyse que l’auteur nous propose mais une étude historique, vivante et passionnante du combat des femmes et de la révolution russe.
La condition des femmes à la veille de la révolution, particulièrement dramatique est décrite :
« Ainsi celle qui est enceinte ne peut quitter son travail que lorsqu’elle ressent les premières contractions et doit le reprendre dès le lendemain de l’accouchement, sous peine de se voir infliger une amende ou d’être licenciée »
La femme est exploitée, surexploitée en ville et à la campagne, subissant le double joug, celui du travail et celui du ménage, de la tenue de la maison.
Elles se mobilisent luttent pour la révolution et le socialisme mais il leur est difficile d’assister aux réunions, d’y prendre la parole.
Avec obstination, des femmes militantes vont faire avancer la société et les partis où les contradictions sont fortes entre un discours théorique et une pratique qui ne rompt pas toujours avec les schémas traditionnels.
Nous découvrons de grandes militantes, qu’elles viennent de la petite bourgeoisie radicalisée épousant à la fin du 19ème siècle le populisme et la violence individuelle, voire le terrorisme ou qu’elles militent dans un parti ouvrier, menchevik ou bolchevik.
Il ne s’agit pas pour Jean-Jacques Marie de magnifier un groupe et même un parti mais de faire œuvre d’historien.
Le lecteur va découvrir la réalité sociale de la révolution, ses avancées mais aussi ses reculs.
Même dans les régions reculées où le système patriarcal est très fort , qu’il soit sous influence musulmane ou orthodoxe, les femmes vont se libérer et prendre leurs destinées en main.
Les lois dites sociétales aujourd’hui comme le droit au divorce et à l’avortement seront des avancées considérables, la Russie étant première au monde dans de nombreux domaines dans la phase ascendante de la Révolution et même durant la guerre civile avant que la nuit stalinienne ne s’abatte sur ce pays.
Le lecteur est pris dans le récit et ne se noie jamais malgré les apports et détails donnés parce que l’auteur sait raconter, c’est-à-dire captiver son public tout en proposant une analyse rigoureuse.
Jean-François Chalot