La Dissociété - tome 1 À la recherche du progrès humain
de Jacques Généreux

critiqué par Colen8, le 1 octobre 2017
( - 82 ans)


La note:  étoiles
L’erreur de la pensée « moderne », à tout le moins son contresens
Association désigne des sujets ou des objets associés. Dissociés dans le cas contraire, les sujets en question forment la dissociété, une société malade qui dysfonctionne au point d’en être inhumaine. En langage familier on dirait qu’elle marche sur la tête. Avec humilité et modestie pour la raison qu’il sort de son strict domaine d’expérience et non sans une certaine audace, Jacques Généreux a tenté de comprendre les raisons des échecs économiques dont le monde fait le triste constat. Ayant inclus dans sa réflexion la philosophie, l’anthropologie, l’éthologie et les neurosciences il livre une analyse du dernier quart du siècle précédent d’autant plus frappante par sa lucidité que l’on a maintenant au moins dix ans de recul depuis la sortie du livre(1). Les Trente Glorieuses avaient vu se répandre les modèles d’Etat-Providence dans les pays développés. L’arrêt des 5% de croissance annuelle les a remis en cause chez les anglo-saxons puis au sein d’une partie des pays européens, lesquels promeuvent désormais tantôt l’Etat-Pénitence retiré des interventions sociales, tantôt l’Etat-Gendarme centré sur ses seules fonctions régaliennes, police, défense, répression.
Les Lumières avaient voulu émanciper l’individu de la soumission aveugle au monarque, à la religion, à l’ordre collectif. En ouvrant la voie à ce que l’on pensait être le progrès humain elles ont donné naissance à l’homo œconomicus rationnel dont on a cru que le but principal était de se servir. Or le capitalisme exprimé dorénavant par l’idéologie néolibérale est devenu une source majeure de souffrances et d’inégalités après avoir été accaparé par une poignée de dirigeants. Le socialisme ne s’en est pas mieux sorti sous aucune de ses formes ni marxiste ni démocratique, s’étant laissé entraîner dans la tentative malheureuse de réduire l’économie à des équations et des modèles mathématiques sans liens avec la réalité du monde social. A cela s’est ajoutée une propagande habilement diffusée et entretenue pour obtenir un lavage de cerveau généralisé. Dans chacun des camps les protagonistes ont négligé la dualité de la nature humaine dont l’épanouissement requiert l’autonomie ET la solidarité. Vouloir faire un choix de l’une OU de l’autre sous prétexte de foi dans un quelconque système de croyance est plus qu’illusoire, il est source de repli communautaire quand ce n’est pas de violence.
En reprenant successivement les thèses de Thomas Hobbes (Léviathan, 1651), Adam Smith (Théorie des sentiments moraux, 1759), Jean-Jacques Rousseau (Du contrat social, 1761), Karl Marx (Manifeste du parti communiste, 1848) et de quelques autres Jacques Généreux met en évidence sans ambiguïté les piliers du néolibéralisme partagés avec le marxisme et le socialisme démocratique. C’est l’étonnant paradoxe qui explique pourquoi et comment le néolibéralisme a réussi à soumettre si facilement la pensée moderne occidentale dont la sinistre conséquence est une société qui se veut l’exemple le plus abouti du bonheur universel ! Loin d’être le prédateur au rôle duquel on veut le réduire l’être humain ne parvient pas à « être soi » sans « être avec », autrement dit il vit moins par les biens que par les liens. Une société de progrès humain serait régie par des citoyens engagés et nourrie de bienveillance, d’altruisme, de dialogue à tous les niveaux.
(1) C’est en 2006 qu’en a été publiée la 1ère édition. Jacques Généreux était également co-responsable du programme économique de la France Insoumise de la dernière présidentielle.