Lune noire
de John Steinbeck

critiqué par Nirvana, le 9 mai 2004
(Bruxelles - 51 ans)


La note:  étoiles
Vivre en homme libre sous l'occupation
Un excellent Steinbeck, plus sobre dans ses descriptions (par rapport à mon favori "les raisins de la colère" ou "les naufragés de l'autocar" )mais toujours avec une grande finesse d'analyse du caractère de ses personnages.
Ici, nous nous retrouvons face à trois personnages principaux, pris dans le même contexte dramatique, la guerre et l'occupation, mais chacun ayant une idéologie et des objectifs fondamentalement opposés.
Un village scandinave, ayant échappé jusque là au concret de la guerre, se retrouve trahi par l'un des siens -comme le souligne ironiquement Steinbeck,"Mr Corell, le commerçant si populaire". Organisant un concours de tir, il éloigne les troupes de la ville et y favorise donc l'entrée des adversaires , et son occupation. Il espère ensuite tirer profit de sa collaboration en étant élu maire à la place de celui en poste, le maire Orden.
Celui-ci refuse de parler au nom de son peuple, défend son droit à la résistance et son goût de liberté et s'adresse ainsi à l'occupant:
"Monsieur, je suis l'un des leurs, et pourtant je ne sais ce qu'ils vont faire. Peut-être le savez-vous. Peut-être est-ce que ce sera quelque chose de très différent de ce que vous pensez ou de ce que nous pensons.Certaines populations acceptent les chefs qu'on leur impose et elles leur obéissent. Mais mes concitoyens m'ont élu. Ils m'ont fait et peuvent me défaire. Peut-être le feront-ils s'ils s'imaginent que je me suis rallié à vous. Je ne sais vraiment pas."
Son opposant, le colonel nazi Lanser, a déjà connu l'expérience de l'occupation, vingt ans auparavant, et même s'il en a vérifié l'horreur et l'échec, il s'efforce juste de penser et d'agir en soldat, de faire appliquer les ordres sans y faire interférer sa conscience personnelle.
Autour de ces personnages gravite le médecin du village, qui appuiera le maire dans sa résistance, et l'état-major du colonel, " jouant à la guerre comme les enfants jouent à saute-mouton".
C'est une bataille psychologique qui se joue entre les occupés et les occupants, une guerre des nerfs dans le vase clos qu'est ce village isolé de tout, où les envahisseurs vont peu à peu se retrouver complètement isolés par une haine silencieuse, eux qui espéraient être accueillis en sauveurs.
Le roman atteint son apogée, quand pour briser la rébellion, le colonel décide d'user de la force, et que les condamnés évoquent l'"Apologie de Socrate", se taquinant sur leurs défaillances dans sa traduction quand ils étaient sur les bancs de l'école.
Ce roman a été publié à New York en 1942, et une première version sera traduite en Suisse, pays neutre , en 1943. Il circulera sous le manteau pendant l'occupation.
A découvrir 9 étoiles

De Steinbeck , les lecteurs parleront des "Raisins de la colère" , de "des souris et des hommes" ou même d"A l'Est d'Eden" . Ces trois livres , très célèbres à juste titre , tendent à faire oublier "Lune noire" , très différent des trois précédents .
L'action ne se passe ni au fond des USA et ne met pas en avant la classe ouvrière , Steinbeck le situe dans une ville occupée et qui doit s'accommoder à l'envahisseur.
La tension monte crescendo , et les relations entre le colonel conquérant et le maire du village tiendront leur promesse jusqu'au dénouement.
Un autre livre sur la guerre et l'occupation mais écrit par un maître de la littérature américaine ...qui s'en passerait ?

Ndeprez - - 48 ans - 9 avril 2015


Vivre l'occupation 8 étoiles

Très beau livre de Steinbeck qui situe son histoire dans un petit village de Scandinavie envahi par les nazis.
Il nous présente avec talent les conditions de résistance de l'occupé mais aussi les difficultés individuelles que rencontrent les occupants, hommes avant d'être soldats.
Brillant, synthétique, ceci est du grand Steinbeck comme on l'apprécie

John - - 34 ans - 14 février 2011


Méconnu, mais sublime 8 étoiles

Pas le livre le plus connu de Steinbeck, pas le plus lu, mais vraiment magnifique, d'une très grande force malgré sa petite épaisseur. A découvrir, à faire découvrir !

Bookivore - MENUCOURT - 42 ans - 29 mars 2008


Un bel astre sombre 10 étoiles

Dans cet ouvrage, Steinbeck a gagné en concision stylistique. Il a pourtant l'habitude d'aborder les thèmes sombres ; ici, probablement est-ce l'horreur qui incite à vouloir traduire la vacuité de la vie humaine face au drame qui se profile : il n'en décrit que mieux l'état de tension dans lequel est plongé le Maire.

Veneziano - Paris - 47 ans - 18 mai 2005