D'un jardin l'autre
de Florence Soufflet

critiqué par Gthomas, le 15 février 2018
(Grenoble - 57 ans)


La note:  étoiles
Une exploration de l’âme humaine : entre Occident et Orient
« Naître de n’être »

Il est difficile de comprendre, d’appréhender, de ressentir l’absence du Père, pour qui ne l’a pas vécue : Florence Soufflet nous « plonge » dans cette absence, nous la fait vivre de l’intérieur, sans filtre.
Tout d’abord, il y a la genèse de Flore : la rencontre et l’amour interdit (« sacrilège aux conventions ») d’Azur et Alienor. Un amour essentiel et fondateur, dans lequel l’âme des personnages se révèle, à vif.
Puis, l’énigme du départ d’Azur qui marquera l’enfance de Flore, en équilibre sur le fil entre l’amour filial qu’elle porte à son Père, et la blessure de cette absence qui s’ouvre à nouveau lors de leurs rares mais intenses rencontres, (« je me suis construite sans toi »).
Mais si le thème central du livre est l’absence du Père, sa richesse est aussi dans la description du contexte historique et artistique qui entoure la naissance de Flore.
Tout d’abord, l’auteur ressuscite pour nous un pan totalement enfoui (dans l’inconscient collectif ?) de l’Histoire: les massacres de mai 1945 à Setif, qui préfigureront la guerre d’indépendance à venir. La description de cette tragédie innommable, de l’intérieur et au travers du personnage d’Azur, touche au sublime.
Par ailleurs, l’histoire émouvante et complexe de la rencontre et de l’amour interdit d’Azur et Alienor, la mère de Flore, révèle avec une précision ciselée les relations entre les communautés françaises et algériennes, dans le Paris de la fin des années cinquante. La description du personnage d’Alienor (mon préféré du livre), aux différentes étapes de sa vie, donne lieu à un portrait époustouflant de cette femme, qui sublime le livre par sa force et son humanité.
Tout au long du livre, l’auteur installe également une réflexion poétique sur les arts du feu, par le récit de l’histoire d’Azur, magnifique artiste céramiste.
Lu en 2 jours, ce livre pétri de références historiques, philosophiques et artistiques offre une écriture splendide et une exploration de l’âme humaine dont on ne ressort pas intact.