Oursins et moineaux
de Sjón

critiqué par Débézed, le 4 septembre 2017
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Poèmes saga
« vingt-six ans et il m’arrive de rêver que je suis debout devant le grand portail du cimetière au coin sud-est du mur d’enceinte. l’image est baignée de lune j’ai cinq à sept ans je suis pieds nus en pyjama…

à chaque fois la limite entre rêve et souvenir d’enfance devient floue… »

En lisant ces lignes qui débutent ce recueil, j’ai eu un peu l’impression de surfer sur une des vagues éponymes du long texte de Virginia Woolf que je lis parallèlement à ces textes de Sjon. Mais cette impression s’efface vite, l’auteur nous ramène immédiatement à la mythologie islandaise, aux vieilles légendes qui constituent l’histoire de l’île dans une langue jamais altérée faute d’apports extérieurs.

« …
et plutôt que se réjouir de l’ardeur de sa progéniture
la déesse de l’origine
se mit à déprimer »

Dans ses textes Sjon fait revivre les vieilles sagas islandaises qui constituent le socle fondateur de la littérature, de l’histoire et de la culture de ce peuple. Dans le poème ci-dessous, j’ai vu dans les corps des douze femmes une métaphore des douze siècles d’histoire que compte aujourd’hui l’Islande.

« corps
ni beau
ni terrifiant corps
ni incroyable ni insignifiant corps
juste immense d’une femme immense
composé des corps de douze femmes
juste mortes
chacune traçant sa route
tenant sa place
vivant son siècle
à l’abandon ».

L’histoire de l’Islande, une histoire qui oscille sans cesse entre légendes, mythes et réalité, une existence suspendue dans le temps, une existence enfoncée dans un passé inquiétant, sombre, surgi du feu des entrailles de la terre ou en vagues déferlantes des flots déchaînés de l’océan. C’est la terre de Sjon, la terre à laquelle il est attaché, la terre qui héberge le peuple qu’il raconte dans ses poèmes en prose ou en vers très libres sans aucune contrainte de ponctuation ni de calligraphie (les majuscules sont bannies du texte).

Ces textes réduits au maximum, concentré sur l’essentiel, condensé en quelques mots, sont d’une puissance expressive peu courante. Je ne connais rien à l’Islandais mais, à la lecture du rendu, j’imagine le formidable travail que la traductrice à dû accomplir pour obtenir un recueil de cette qualité.