Frappe-toi le coeur
de Amélie Nothomb

critiqué par Anna Rose, le 31 août 2017
( - 51 ans)


La note:  étoiles
L'amour des mères
Ce nouveau livre d'Amélie Nothomb décrypte le lien filial mère fille. Diane, une enfant mal aimée, se construit malgré le désamour de sa mère. Celle-ci, appelée par l'enfant la déesse, ne semble pas aimer sa première enfant. Par contre, elle adorera ses deux autres enfants, renforçant le sentiment de rejet ressenti par Diane. La petite fille se construit en dépit de cet état de souffrance, justement analysé dès ses premières années. Comme d'habitude, chez l'auteur, l'héroïne est belle et très intelligente et elle s'en sortira par les études. Une rencontre avec une femme plus âgée, mère d'une enfant, va la faire replonger dans les affres de son enfance.
On retrouve l'écriture ciselée d' Amélie Nothomb avec une histoire attachante. Elle y parle du rapport à la mère, de l'amour filial, de la manipulation. Elle évoque également, comme souvent, l'anorexie, la place dans la fratrie, le goût de l'étude et la beauté physique.
Pour une fois les héros du livre ont des prénoms "normaux" et des parcours de vie plus classiques, ce qui n'ôte rien au charme de ce livre. Il se lit facilement et la fin est surprenante.
Roman psychologique 6 étoiles

C'est l'histoire de Diane, née d'une mère déçue d'être tombée enceinte si jeune et jalouse de sa fille qui lui vole la vedette par sa beauté. (On pense ici à Blanche-Neige.) Cette mère n'aura jamais un regard d'amour pour sa fille, qui tente de comprendre pourquoi. Elle observe cette "déesse" qui aime son fils second-né, puis dévore sa troisième en la couvant à outrance.
Ce roman est purement psychologique - Amélie Nothomb ne s'embarrasse d'aucun décor -, mais aucunement plausible puisque Diane analyse sa situation familiale et psychologique dès sa naissance. D'autre part, elle psychanalyse tout comme si elle était extérieure à sa vie et se voyait froidement et nettement sans aucun des filtres qui nous constituent. Néanmoins, j'ai mieux apprécié que nombre de romans de la même auteure, car elle ne se met pas en scène en se regardant le nombril et en s'écoutant écrire. Par contre, je n'ai pas retrouvé ces petites phrases-bijoux qui font son style habituel. Le livre se lit très vite.

Pascale Ew. - - 56 ans - 12 avril 2018


Un petit "bien" 7 étoiles

L’histoire est jolie mais Amélie Nothomb reste dans son registre minimal.
Et pourtant l’histoire est touchante, un peu figée dans les archétypes certes, c’est propre et le livre se lit bien en une courte après-midi.
Cette petite fille si jolie qui ne parviendra jamais à se faire aimer par sa mère, se battra jusqu’au bout pour trouver son apaisement.
Je m’étais promis d’éviter l’auteure, sous l’insistance des critiques j’ai pensé qu’il était temps d’enterrer la hache de guerre. Je reste mitigé mais j’accorde un « petit bien » à ce roman.

Monocle - tournai - 64 ans - 5 avril 2018


Nommer les choses 7 étoiles

Chaque rentrée littéraire voit surgir une nouveau conte d'Amélie Nothomb, et voit fleurir une photo d'art sur la couverture: beauté froide et intouchable mais impeccable, à l'ombre d'un chapeau, signe d'autorité. Va-t-elle réussir à nous toucher cette fois-ci en exposant de nouveaux et cruels dysfonctionnements familiaux? C'est souvent la jalousie qui met le feu aux poudres. Elle campe ici une figure féminine dont l'anagramme est le verbe aimer. Marie est mue par une besoin sordide et pathétique de " susciter l'envie d'autrui". Le défilé des thèmes favoris de l'auteur s'organise dans un rythme infernal: jalousie, trahison, désirs secrets inassouvis, désert affectif, jusqu’à ce que l'on butte sur le mépris. Mépris monumental de la mère pour sa première fille Diane, qui sera tellement traumatisée qu'elle tombera dans les griffes d'une seconde prédatrice, malgré la réussite d'études très brillantes.

"ll apparaissait maintenant à Diane que le mépris était pire que la haine. Celle-ci est si proche de l'amour, quand le mépris lui est étranger." C'est le Maître mot de ce conte extraordinairement noir qui vous frappe en plein coeur. Diane grandit dans cette coupe débordante de la jalousie et de mépris qu'éprouve sa propre mère à son égard. Elle surnage grâce à ses grand-parents. Avec ce mot, tout s'éclaire, tout s'explique, et tout est toxique, mais elle respire! Attention, poison... mais il vous réconciliera peut-être avec vos propres douleurs! Il suffisait peut-être de le nommer pour l'identifier!

Deashelle - Tervuren - 15 ans - 12 décembre 2017


Le coeur, siège des émotions ! 9 étoiles

Le cœur est couramment cité comme être le siège de tout sentiment, exaltant comme pervers.
La brillante et jolie Marie a le cœur chamboulé : autour d'elle, la jalousie l'emporte. Quand elle se marie avec Olivier, des sentiments contradictoires l'assaillent. Sa fille Diane, elle l'aime, quoique... Diane est jolie, intelligente, travailleuse et son assiduité à la Fac la met en contact avec son professeur Olivia Dubuisson. En ressort une profonde amitié qui les pousse toutes deux à se sublimer. Mais, tout n'est pas si simple et le cœur chavire, une fois de plus. Amélie Nothomb met à jour ce que chacun ressent au plus profond de soi et qui s'égrène, s'éteint ou assiège le cœur.
Amélie Nothomb tient le lecteur en haleine car un nouvel élément auquel il ne s'attend pas éclate et relance l'action du roman. Elle a aussi toujours l'art de nous surprendre par le choix des noms : la copine de Diane s'appelle Elisabeth, anodin en soi, mais quand ses parents sont M. et Mme Deux, cela change tout !

Ddh - Mouscron - 82 ans - 5 décembre 2017


Intéressant... 7 étoiles

Un nouveau petit roman dans le style conte philosophique, avec ses personnages stylisés à souhait, ses approximations psychologiques et ses 1h30 de lecture...
Mais cet opus est intéressant, bien plus que nombre de précédents, par sa construction, ses réflexions. L'écriture est propre et l'ensemble se lit avec plaisir.
Après bien sûr, on peut aller bien plus en profondeur...

Cecezi - Bourg-en-Bresse - 43 ans - 30 octobre 2017


Jalousie quand tu nous tiens 10 étoiles

La rentrée littéraire c'est pour moi chaque année le temps de ma petite friandise littéraire, je veux dire par là, le moment de découvrir le nouvel opus d'Amélie Nothomb.

Cette année, point de prénom alambiqué. Nous allons suivre l'histoire de Marie , une belle jeune fille qui en 1971 a 19 ans. Elle est sublime et aime susciter la jalousie de son entourage. Elle épousera Olivier le fils du pharmacien et très vite deviendra mère...

Le 15 janvier 1972 viendra au monde Diane, un magnifique bébé , resplendissant d'une beauté incroyable, encore plus jolie que Marie qui suscitera chez elle une jalousie maladive la poussant au rejet.

Je n'ai pas envie de vous en dire beaucoup plus si ce n'est que nous verrons Diane grandir. Nous la retrouverons à différentes étapes de sa vie. Elle se forgera une carapace et avancera, grandira engrangeant des tas de déceptions. Diane, douée de beaucoup d'empathie, comprendra sa mère, l'excusera, sera déçue mais toujours avancera en se fixant un objectif de devenir médecin pour sonder les failles et sauver les humains.

Une fois encore Amélie explore la nature humaine, la cruauté, la jalousie, la noirceur enfouie chez certains. Et comme chaque fois dans les dernières pages du roman elle surprend. J'étais "scotchée" au récit, j'ai vraiment adoré, un super bon roman.

Entre amour et haine la frontière est parfois mince.

Qu'est ce que l'amour ?

"C'était donc cela, le sens, la raison d'être de toute vie : si l'on était là, si l'on tolérait tant d'épreuves, si on faisait l'effort de continuer à respirer, si l'on acceptait tant de fadeur, c'était pour connaître l'amour. "


Les jolies phrases

Il y avait quelque chose de vertigineux à pouvoir dormir à volonté. Elle s'alitait et sentait le gouffre du sommeil s'ouvrir sous elle, elle se livrait à cette chute et n'avait pas le temps d'y penser, elle disparaissait aussitôt.

C'était donc cela, le sens, la raison d'être de toute vie : si l'on était là, si on tolérait tant d'épreuves, si l'on faisait l'effort de continuer à respirer, si l'on acceptait tant de fadeur, c'était pour connaître l'amour.

Elle serait médecin. En regardant et en écoutant les gens avec attention, elle sonderait leur corps et leur âme. Sans plus de bavardages que le docteur de la veille, elle mettrait le doigt sur la faille et sauverait des êtres humains.

Que lui importait son enfance gâchée ? Ce qu'elle voulait désormais, c'était devenir adulte pour accéder au statut sublime de docteur. La vie conduisait à quelque chose d'important, il ne s'agissait plus d'endurer des tourments absurdes, puisque même la souffrance pouvait servir à explorer celle des malades. Ce qu'il fallait, c'était grandir.

Il apparaissait maintenant à Diane que le mépris était pire que la haine. Celle-ci est si proche de l'amour, quand le mépris lui est étranger.

Nathavh - - 59 ans - 7 octobre 2017


Enfin,…une renaissance ! 9 étoiles

J’ose dire après tant d’années d’attente, Amélie Nothomb nous raconte enfin un récit normal, avec des personnages aux prénoms normaux et qui ont presqu’une vie ordinaire ; chacun pourrait se retrouver dans ce conte moderne. On a aussi le droit de se demander si ce roman n’a pas un fond autobiographique qui est un signe chez l’auteur d’une qualité supérieure.

L’écrivaine pratique une analyse de relations humaines en décrivant le phénomène de la jalousie, sans pourtant l’expliquer, parce qu’il n’y a selon elle jamais de motif très identifiable qui pousse à ce sentiment. A part cela, on décrit des formes de manipulation machiavélique qui vont séduire le lecteur. Comme le souligne Catinus, il y a aussi comme dans beaucoup de bouquins de l’auteur une série de phrases remarquables qui retiennent l’attention ; j’avais noté les mêmes.

On retrouve bien sûr la substance même du style de l’auteur qui s’est maîtrisé et qui donne l’impression d’avoir davantage travaillé avant de publier cette petite merveille littéraire.

Pacmann - Tamise - 59 ans - 7 octobre 2017


Mères et filles 9 étoiles

Il n’est pas dans mes habitudes de lire du Nothomb (c'est le deuxième), mais mon frère m’ayant dit que le dernier est son meilleur, j’ai voulu en avoir le cœur net. Et j’avoue avoir été bluffé par "Frappe-toi le coeur". Je l’ai lu d’une traite, ce qui n’est pas difficile, vu la minceur des romans de cet auteur.

Petit résumé : Marie se fait engrosser à dix-neuf ans et donne naissance à une fille. Elle se désintéresse absolument du bébé, Diane, qui promet d’être fort belle. La petite fille comprend très vite qu’elle n’est pas aimée par sa mère, d’autant plus que la naissance d’un petit frère révèle l’intérêt bienveillant de la mère pour le petit Nicolas. La naissance ensuite d’une autre petite fille, Celia, va achever Diane, qui constate l’investissement excessif et étouffant de Marie pour son dernier enfant. Diane va trouver du réconfort chez ses grands-parents maternels, puis, après le décès de ceux-ci, chez les parents de sa seule amie d'adolescence, Élisabeth, chez qui elle se fait adopter. Je n’en raconte pas plus.

Le personnage de Diane est saisissant, laissant le lecteur ébahi devant tant de perspicacité dans l’analyse qu’elle fait de son combat pour survivre dans un monde qui ne semble pas vouloir d’elle. Roman de la solitude contemporaine, de la solitude des mères qui sont dans le déni d’amour maternel ou dans l’incapacité à avoir un comportement normal, de la solitude des enfants obligés à se forger une résilience pour ne pas sombrer, de la solitude des parents quasi autistes qui ne supportent pas que leur enfant soit aussi brillant qu’eux, qui le méprisent et qui font tout pour l’enfoncer (j’ai moi-même connu un prof de fac, dont un des enfants était le "vilain petit canard" qu’il se plaisait à casser, chaque fois qu’il parlait de lui) mais aussi roman de la réussite sociale et des changements nocifs qu’elle induit, "Frappe-toi le coeur" m’a époustouflé. Lointainement inspiré du mythe de Blanche-Neige, le roman fait état aussi de la jalousie de la mère détrônée par sa fille, elle seule (et pas sa mère) se rendant compte que son comportement est inspiré par la jalousie. Contrairement à "Sauver les meubles" de Zufferey (et à son nihilisme dévastateur) que je lisais en même temps, c’est un roman auquel on peut adhérer par imprégnation et identification au personnage principal, peut-être un peu trop parfait.

Cyclo - Bordeaux - 78 ans - 2 octobre 2017


Une suite d'affrontements psychologiques 9 étoiles

Diane, délaissée par une mère égocentrique, garde des séquelles psychologiques aux conséquences psychologiques à répercussion, qui l'amène à rompre avec toutes ses relations, familiales, amicales puis professionnelles, avec un sens aigu de la vengeance, suite à un besoin mal assouvi de considération.
Cette suite de relations psychologiques fortes, souvent tendue, rend ce roman dense, fort, ciselé, via une forme chirurgicale. Il me paraît être l'un des meilleurs romans d'Amélie Nothomb. J'en apprécie beaucoup la morale : l'affection des parents s'avère primordiale pour l'équilibre.

Veneziano - Paris - 46 ans - 2 septembre 2017


Comme d'hab., se lit avec délectation 9 étoiles

Prodigieusement belle et intelligente, Marie rayonne. Très jeune, elle met au monde une enfant, Diane- tout aussi prodigieusement belle et intelligente- pour laquelle elle n’éprouve apparemment aucun amour maternel. Ce qui sera tout le contraire pour ses deux autres enfants, Célia et Nicolas qu’elle chérit par-dessus tout. Diane accuse le coup et se rend compte que sa mère, Marie, la jalouse au-delà de tout ce qu’on peut imaginer.
Plus tard, dans sa vie professionnelle de haut niveau – la chirurgie cardiaque -, Diane sera confronté au même schéma. Mais n’en disons pas plus …

Amélie Nothomb confie que ce dernier roman en date est probablement le plus noir qu’elle ait jamais publié. Il est vrai que nous ne sommes pas très loin de l’implacable sentence de E.M. Cioran : « Si l’on pouvait se voir avec les yeux des autres, on disparaîtrait sur-le-champ. »

Tout comme la plupart des romans d’Amélie, ce « Frappe-toi le cœur » se lit avec délectation.

Ah oui ! Pour les puristes : le mot « pneu » se trouve à la page 166.( Oups ! j’aurais peut-être pas dû le dire…)


Extraits :

- Quel plaisir d’être cent fois respirée, mille fois convoitée, jamais butinée !

- Quel est cet écrivain qui disait que chaque existence se réduisait à un misérable petit tas de secrets ? (*)

- Par la suite, elle regretta amèrement ce tutoiement. L’abandon du voussoiement correspondit chez Olivia à la disparition des dernières traces de respect qu’elle lui manifestait encore. Auparavant, elle lui disait : « Pardon, avez-vous terminé de corriger les écrits des partiels ? »A présent c’était devenu : « Bon, c’est fini, ces corrections ? »

- « Soyez économe de votre mépris, il y a beaucoup de nécessiteux » ; Olivia n’avait pas besoin d’obéir au fabuleux précepte de Châteaubriand parce qu’elle regorgeait de mépris. Elle pouvait le distribuer en prodigue, il lui en restait toujours. L’avantage de mépriser consiste à se sentir supérieur à qui l’on méprise.

- « La bêtise, c’est de conclure », a écrit Flaubert. Cela se vérifiait rarement autant que dans les querelles, où l’on identifiait l’imbécile à son obsession d’avoir le dernier mot.

(*) André Malraux

Catinus - Liège - 72 ans - 1 septembre 2017