Ralentir
de Delphine Le Lay (Scénario), Alexis Horellou (Dessin)

critiqué par Blue Boy, le 29 juillet 2017
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Avant d’aller au talus…
Lorsque David, citadin pressé et très investi dans son métier de commercial, va prendre en stop Emma, aux convictions et au mode de vie à l’opposé des siennes, il ne se doute pas encore des conséquences que cette rencontre aura dans sa vie. Avec le concours du hasard, la jeune femme va l’entraîner sur des chemins de traverse qui vont remettre en cause ses ambitions professionnelles et l’offre de promotion que vient de lui faire sa hiérarchie.

Ralentir, dans un monde qui nous pousse à aller toujours plus vite, à être plus performant, à viser toujours plus haut, ça n’est pas si simple. La crainte d’être mis hors circuit est quelque chose de bien compris par la « matrice productiviste » conçue pour nous conduire par foules entières vers un monde aussi accueillant et lumineux qu’une publicité pour les assurances… Et gare à qui s’aviserait de quitter le troupeau ! Dans cette histoire, le VRP David, bien qu’épuisé par son métier, est prêt à se mettre « en marche » en acceptant une promotion de sa direction. Mais un enchaînement d’événements va concourir à provoquer un déclic chez ce dernier. Tout d’abord, la rencontre inopinée d’Emma qu’il va prendre à son bord, puis l’accident de voiture mortel sous leurs yeux d’un homme qui n’a pas pu « ralentir » à temps, et enfin un arrêt obligé d’une nuit (en raison des conditions météo) dans une communauté d’altermondialistes bons vivants… et quelque peu « déconnectés »… autant de hasards qui vont le conduire à s’interroger sur ses choix professionnels…

Après « Plogoff » et « 100 Maisons », Delphine Le Lay et Alexis Horellou creusent leur sillon social avec leurs histoires sans prétention, dans un esprit militant empreint de bienveillance, sans volonté de culpabiliser. Avec eux, un autre monde est possible, mais c’est par l’exemple et non les grands discours que le monde changera, et « Ralentir » en est la parfaite illustration. On pourra toujours arguer que la psychologie des personnages, si attachants soient-ils, reste schématique, mais Delphine Le Lay a choisi de privilégier l’axe politique plutôt qu’intimiste. Il n’en reste pas moins que ce récit dégage une grande humanité, que Horellou, avec son trait semi-réaliste, parvient à faire ressortir à travers les physionomies, les attitudes et les cadrages.

« Ralentir » aurait pu avoir comme sous-titre « Carpe Diem ». En effet, cette œuvre nous invite à suspendre le temps qui passe et à nous interroger sur notre mode de vie, nous, glorieux représentants de l’homo-technologicus, habitués de plus en plus à satisfaire nos désirs en un clic, et donc de moins en moins enclins à s’interroger voire à se remettre en question. Le progrès est une chose magnifique, mais qui a toujours exigé la monnaie de sa pièce. Quelle sera-t-elle dans les années qui viennent, étant donné que le progrès en question semble suivre une courbe exponentielle ? Ne faudrait-il pas ralentir, à défaut de s’arrêter, et réfléchir un instant ? Il va sans dire que dans une tendance globale à l’individualisme cynique et au « toujours plus », le récit du duo (et néanmoins couple) Le Lay/Horellou est rafraichissant dans sa simplicité et sa générosité d’âme.