Quel régal que l’écriture de Vincent Engel! Le sujet est pourtant ici assez différent de ce que j’avais pu lire de lui auparavant, mais le plaisir demeure intact.
Nous nous retrouvons à la période révolutionnaire, en juillet 1788, lorsqu’un violent orage balaie la France et dépose sécheresse et famine dans tout le pays.
C’est la désolation. Ivre de colère et de rancœur, l’horrible vicomte Baptiste de Ruspin (le comté d’Avau, terre perdue de 200 habitants), tue un de ses paysans sans véritable raison. Népomucène, son fils, profite de cet instant de folie pour évacuer son père et le remplacer, avec des idées plus démocratiques directement inspirées des philosophes des Lumières. C’est ainsi que naît, le 14 juillet 1788, la petite république d’Avau.
Le début d’autres ennuis. Le pouvoir est convoité et rend ambitieux, malveillant ; les hommes changent, la violence reprend. Sans compter qu’un jour, la France républicaine et sanglante voudra, elle aussi, sa part du gâteau, en reprenant sous son aile ce petit morceau de territoire qui se croyait indépendant. L’idéalisme prend fin au profit du réalisme. Désillusion totale.
Quel génie ce Engel, je le répète et ne m’en lasse pas. Le genre d’auteur qu’on ne lâche pas d’une ligne tant que l’histoire n'est pas terminée. Et encore… même là, on la prolonge dans sa tête et on lui en veut un peu de ne pas avoir pondu un plus gros bouquin tellement c’est agréable à lire. Le style est élégant et léger à la fois et le fond est interpellant. Le poids de l’idéal humaniste… plume et coton ! L’homme n’est pas un être de bonté et de justice mais un être vil dont les bas instincts se manifestent dès qu’ils en ont l’occasion.
Sahkti - Genève - 51 ans - 11 juin 2004 |